Phillip Renard et Nisargadatta Maharaj

Témoignages et développement  de l’approche des enseignements de Nisargadatta. Par Phillip Renard, de  la Fondation Advaya, en Hollande.

De mon point de vue, Shri Nisargadatta Maharaj a été l’un des plus grands enseignants du vingtième siècle. Ce qui le rend si remarquable, c’est sa capacité extrême à montrer que tout ce qu’on lui demande est fait de concepts, et à annihiler ces concepts en exposant leur inutilité. Quelle que soit la question ou la remarque du visiteur ou du disciple, Nisargadatta faisait remarquer qu’elle se résumait à s’accrocher à des schémas de pensée ou à des concepts et il faisait référence à leur origine, à leur germe. Tout, vraiment tout, était miné comme étant un concept et par conséquent non vrai, et cela incluait aussi quelque chose qu’il venait lui-même de dire. Comme il le soulignait, la seule réalité est celle qui est sans concept.

À la lecture de ses entretiens , il devient évident que lui-même, le grand démolisseur de concepts, proposait continuellement des concepts. Il sautait d’un niveau à l’autre, utilisait de nombreux termes sanskrits pour un certain niveau, utilisait les mêmes termes ou des termes proches pour un autre niveau, puis dissolvait le tout dans ce qu’il appelait “l’état bleu foncé profond de la non-expérience”, ou une autre description de l’Absolu.

Malheureusement, cela a eu pour conséquence que de nombreux chercheurs qui avaient déjà eu un aperçu de ce qu’ils étaient vraiment, ont continué leur recherche, à cause du message “vous n’êtes que l’Absolu”. Souvent, les gens affirment assidûment qu’ils “connaissent déjà la Conscience”, mais ils expriment aussi leur frustration de ne pas avoir réussi à franchir “l’étape suivante”.

Je ne pense pas qu’il y ait d’étape suivante. Il s’agit d’aller à la limite de ce qui peut être expérimenté et d’y rester. Il ne faut pas se laisser égarer par un commentaire sur l’Absolu et se laisser entraîner à le rechercher. Mais, comme on peut le lire, Nisargadatta fait justement des commentaires  sur l’Absolu en permanence, et montre encore et encore que tout le reste est irréel ! C’est bien là la confrontation : entendre que nous sommes Cela, et ne pas être capable d’en faire l’expérience (objective), et encore moins le rechercher.

C’est le paradoxe que Maharaj nous présente en permanence.

Alors comment sommes-nous censés faire face à ce paradoxe ?

Le “je suis” est le plus grand ennemi et le plus grand ami.

Maharaj lui-même a répondu à cette question – et cela en proposant un concept. Un concept spécifique, qu’il a indiqué en utilisant le terme “la connaissance je suis”, ou «Êtreté ». Il a utilisé le terme “Je suis” pour désigner la connaissance ou le sentiment fondamental et simple d’être, d’être consciemment présent.

Précédemment, Nisargadatta Maharaj a été qualifié de « remarquable », notamment pour sa capacité à saper totalement tous les concepts. Mais on peut aussi l’appeler ainsi pour avoir développé ce seul concept. Il considérait ce concept “Je suis” comme quelque chose à digérer, à avaler, à dissoudre. Il l’a donc décrit comme “le médicament ultime”. Il est vrai qu’il l’a appelé aussi “la maladie elle-même” au moins aussi souvent, ou “la plus grande misère”, mais il a également indiqué à de nombreux endroits que ce même concept est exactement le médicament, et qu’il est l’indicateur de la liberté.

Nous sommes donc à nouveau confrontés à un paradoxe : une chose qui est une maladie et qui, dans sa nature essentielle, est le médicament lui-même. Il y a une citation qui détient la clé de l’entrée de ce paradoxe. À mon avis, il s’agit de la plus belle citation de Maharaj qui existe, car tout le mystère de l’existence est décrit en quelques phrases, y compris la poignée pour entrer dans le mystère. Tout y est, et tous les autres textes de Maharaj peuvent être interprétés dans cette perspective.

Nisargadatta l’exprime ainsi :« Cette touche de “Je suis” est dans chaque être ; chaque être a cette touche d’amour pour l’Absolu, et il est une représentation de l’Absolu…. Seul l’Absolu prévaut. La vérité n’est que Brahman dans sa totalité [Para Brahman], rien d’autre que Brahman. Dans un état de Brahman total, le contact avec l’être, le “je suis” a commencé, et avec cela, la séparation a commencé, l’altérité est venue. Mais ce “je suis” n’est pas seulement un petit principe ; il est lui-même le Mula-Maya, l’illusion première. … Le grand principe Maya vous fait faire tous ses tours, et vous vous conformez également à ce qu’elle dit, et finalement, votre lumière, votre être, s’éteint. … Cette Maya est si puissante qu’elle vous enveloppe complètement. Maya signifie “Je suis”, “J’aime être”. Elle n’a pas d’autre identité que l’amour. Cette connaissance du « Je suis » est le plus grand ennemi et le plus grand ami. Bien qu’elle puisse être votre plus grand ennemi, si vous l’approchez correctement, elle se retournera et vous conduira à l’état le plus élevé. » ( Ext. de « prior to consciousness » p12-13)

Le sentiment “Je suis” est la première vibration.

Le sentiment  “Je suis” est un principe universel, présent exactement de la même manière dans chaque être, avant l’interprétation “Je suis John” ou “Je suis Ann”, en d’autres termes, “Je suis cette personne”.

Nisargadatta (c’est-à-dire ses traducteurs) avait l’habitude de désigner ce sens du « Je suis » par le terme “conscience” (cetana). Il est logique de s’attarder sur la signification que Nisargadatta attribuait à ce terme, tout simplement parce qu’il a souvent qualifié cette conscience d’illusoire alors qu’en même temps, le terme “conscience” a été utilisé par d’autres enseignants pour désigner exactement l’Ultime (même s’il s’agissait souvent de la traduction du terme chit au lieu de cetana, le terme anglais est le même). Il a fourni de nombreux synonymes comme “connaissance”, “état de Krishna”, “conscience d’enfant”, “Atman”, “graine”, “témoin”, “Dieu”, “Être”, “sattva”, “le chimique”, “Saguna Brahman”, “le Manifesté », “le principe suprême”: ils reviennent tous au même. Il s’agit juste d’une touche. Sans aucune raison, quelque chose surgit spontanément, au sein d’une chose qui n’est ni expérience, ni connaissance, ni forme, ni “une chose” quelle qu’elle soit. Ce n’est que lorsque vous le remarquez que vous pouvez dire “quelque chose surgit”, pas avant. La manifestation et le fait de la remarquer sont donc une seule et même chose. Il s’agit d’une forme de mouvement des plus subtiles. C’est cette toute première vibration, cette forme de contact la plus subtile que Nisargadatta appelle “conscience”, le principe « Je suis ». L’élément crucial de cette citation se trouve dans la dernière phrase : « Cette connaissance du « Je suis » peut être à la fois le plus grand ennemi et le plus grand ami. » Elle englobe tout – et par conséquent, on peut se retrouver ici avec un sentiment de désorientation écrasant. Très souvent, cette désorientation est renforcée dans d’autres passages, par l’accent mis sur l’élément illusoire (“le plus grand ennemi”), car ce qui est réel, l’Absolu, est décrit comme “quelque chose qui ne peut être expérimenté”. Cependant, ici, Nisargadatta affirme avec force qu’en effet, bien qu’il puisse être votre plus grand ennemi, vous feriez bien de le vénérer pleinement. Qu’il s’agisse d’illusion ou non, à ce moment précis, cela n’a aucune importance, car en fin de compte, c’est seulement Dieu, le principe toujours créateur qui engendre tout. Il est vrai que cela signifie que vous pouvez être séduit et vous accrocher à une forme, mais vous pouvez également être libéré de cet attachement par le même principe.

-Adorez cette touche subtile de « Je Suis »-

Dans l’un des Purana-(s), les « textes fondateurs » de l’hindouisme, nous trouvons un passage qui ressemble à cette citation. “Elle, lorsqu’elle est satisfaite, devient propice et la cause de la liberté de l’homme. “  (Ext. du Markendaya Purana I.57)Il s’agit d’adorer ce principe aussi totalement que possible, de lui prêter attention, de lui plaire.

Le sens du « Je suis » est si commun, si ordinaire, que l’on peut facilement l’oublier. C’est pourquoi Nisargadatta insiste fortement pour ne pas agir ainsi, mais au contraire pour honorer pleinement ce principe : l’adorer comme le Dieu le plus élevé. Il ne cesse de marteler de se taire ici et de se consacrer pleinement à cette conscience, à ce ‘toucher’. Il dit : “L’atman n’a pas à connaître quoi que ce soit ; cette connaissance même est l’atman. Adorez l’atman comme le Dieu ; il n’y a rien d’autre. Vous ne vénérez que ce principe ; rien d’autre ne doit être fait. Cette connaissance même « je suis » vous mènera au plus haut, à l’Ultime. Ce « Je « suis » est présent aussi longtemps que le souffle vital est présent. Et lorsque vous vénérez ce « Je « suis » en tant que Brahman manifeste [Saguna Brahman] uniquement, vous atteignez l’immortalité. … Vous devez continuellement vous rappeler de « mâcher cela ». (Ext. de experience p 51)

On peut se demander ce qu’est exactement l'”adoration”, car la montée d’une prière verbale est souvent associée à ce mot. L’adoration pourrait être décrite comme le fait de prêter continuellement attention à quelque chose de tout son cœur. Dans la vie quotidienne, le meilleur exemple de cela est d’être amoureux. Si vous êtes amoureux, votre attention est entièrement tournée vers votre bien-aimé, que vous le vouliez ou non. Vous en êtes plein et tout ce qui va dans le sens de l’être aimé se produit sans effort. C’est ce que vous pouvez appeler l’adoration. Nous sommes maintenant invités à pratiquer cette adoration, cet être amoureux par rapport à notre conscience ordinaire elle-même, à l’expérience sans forme en tant que telle, “la touche de l’être”, “le sentiment de l’être”.

Comment sommes-nous censés mettre ce culte en pratique ?

Cela signifie que vous fusionnez totalement avec cet être, avec cette vibration première. Apportez toute votre passion à ce “lieu” non localisable,célébrez cette vibration et ne vous inquiétez pas du fait qu’il s’agit encore d’une forme de dualité, d’une forme d’énergie ou de “corporalité”. Adorez-la, célébrez-la, ne retenez rien, donnez-vous totalement à elle, afin de vous fondre avec elle. Elle vous montre alors, dans la fusion, que le “deux” a cessé d’exister. Elle ne peut être une ennemie que si vous vous laissez entraîner par sa tentation.

Nisargadatta nous dit encore: « La source même de tout bonheur est votre être. Établissez-vous là, soyez là. Si vous vous impliquez dans le flux de Maya, il y aura de la misère. Comprenez ce qu’est le flux ? Toute cette Maya, les activités. Vous essayez de tirer du plaisir de ces activités ; c’est le produit de l’être. Soyez tranquille dans votre être. Ce que je vous ai dit, rappelez-vous-le, mâchez-le, rappelez-vous-le sans cesse. Cela vous mènera au calme. Établissez-vous dans cette connaissance. »(Ext. de prior p21 ou medecine p27)

Connaissance et abandon.

C’est ici que Nisargadatta montre comment, dans le “principe suprême”, le principe du « Je suis », l’élément libérateur peut être distingué de l’élément séducteur et contraignant. Le principe “Je suis” serait comme l’embouchure d’une fontaine. À cet endroit-là, l’eau jaillit puissamment vers le haut, et des milliers de gouttes sont formées pour former ensemble ce qu’on appelle une “fontaine”. L’embouchure de la fontaine n’a pas encore pris forme ; il n’y a que l’expérience de la force de propulsion de l’être, l’élan vers la forme. Le conseil est donc le suivant : restez à l’embouchure de la fontaine, demeurez-y et abandonnez-vous à sa vibration sans forme. N’essayez en aucun cas de manipuler la force elle-même. “Quels processus naturels pouvez-vous arrêter ? Tout est spontané. Actuellement, vous êtes dans la conscience, qui est agitée, vibrante. Ne pensez pas que vous êtes quelque chose de séparé de cette conscience vibrante et agitée.”  (Ext. Consciousness.. p 78) En restant à l’embouchure de la fontaine, en vénérant Cela qui donne tout ce déployement, vous vous libéré.

Nisargadatta l’évoque ainsi dans ses premiers discours : “Le dévot avec sa ferme détermination et Dieu par sa fascination pour la dévotion sont attirés l’un vers l’autre, et au moment où ils se retrouvent face à face, ils se fondent, l’un dans l’autre. Le dévot perd automatiquement sa conscience phénoménale, et quand elle revient, il découvre qu’il a perdu son identité – perdue dans celle de Dieu qui ne peut plus être séparée ; ” (Ext de self-knowledge and Self-realisation p35 )

et :

“Je suis le Dieu, je suis le dévot et l’adoration ; un seul et même principe. » (Ext. prior to consciousness p43). L’aspect contraignant de Maya, la séductrice, s’estompe dès que vous comprenez que vous ne devez pas vous laisser emporter par Elle vers Ses formes de création.

Il vous suffit de porter l’attention sur ce qui la voit. “Méditez sur ce qui sait que vous êtes assis ici. Votre sentiment que votre corps est ici est une identification avec le corps, mais ce qui sait que ce corps est assis ici est l’expression de l’Absolu ” (Ext. de prior to consciousness p 103). Le caractère libérateur du principe “Je suis” est présent aussi bien dans l’aspect de la connaissance que dans celui de l’abandon. À ce stade, les approches de jñana (connaissance, compréhension) et de bhakti (dévotion) se fondent totalement l’une dans l’autre. Parfois, c’est l’abandon qui montre que la discrimination n’est plus nécessaire, et parfois c’est la compréhension qui vous empêche de commettre l’erreur que votre abandon soit une soumission à des formes transitoires. L’abandon n’est juste que lorsqu’il s’agit d’un abandon à ce qui est immuable. Nisargadatta : « D’abord, j’ai séduit Maya, et une fois que Maya s’est abandonnée à moi, je n’en avais plus l’utilité, alors je m’en suis débarrassé. » (Extrait de expérience.. p86)

L’aspect dynamique de la conscience.

Remarquer le corps assis ici, par exemple, pourrait être appelé “connaissance”. Cette connaissance est en fait la connaissance en tant que telle, et c’est l’élément libérateur, car la connaissance est littéralement l’expression de l’Absolu, comme le dit la citation ci-dessus. La conscience ou le savoir Absolu s’exprime en tant que “savoir quelque chose”. Ainsi, la « Conscience » et « l’Absolu » ne sont pas deux choses différentes, comme on l’imagine souvent sur la base de nombreuses déclarations de Nisargadatta. Il n’existe qu’une seule Conscience (ou Awareness ; le terme considéré comme “correct” dépend du cadre linguistique de l’orateur ou du traducteur). Elle a un aspect absolu et un aspect dynamique, vivant, expérimenté, la “touche”. La seule chose à voir est qu’une vibration est toujours la connaissance de cette vibration, et que la connaissance elle-même est la connaissance absolue ; qu’il n’y a pas de séparation à ce niveau. Au sein de l’Absolu, il n’y a simplement rien à connaître, c’est pourquoi Nisargadatta appelle cela “l’état de non-savoir” ou « non mental », l’état dans lequel l’attention est dissoute en elle-même.

Nisargadatta nous dit: “Il n’y a qu’un seul état, pas deux. Lorsque le “Je suis” est là [ce qui signifie “conscience”], dans cette conscience vous aurez de nombreuses expériences, mais le “Je suis” et l’Absolu ne sont pas deux. Dans l’Absolu, le “Je suis” vient, et alors l’expérience a lieu ” (Ext. prior to consciousness p42). Lorsque Nisargadatta fait référence au “Je suis”, il utilise souvent le terme chetana, qui a été traduit par le mot “conscience”. Ce mot reste délicat, car la plupart des enseignants de l’Advaïta utilisent le terme “conscience” pour désigner précisément l’Ultime. En raison de cette différence, lorsque nous utilisons le mot “conscience” pour traduire les textes de Nisargadatta, nous devons toujours comprendre clairement que nous nous référons à la “conscience telle que considérée par Nisargadatta”. Nisargadatta a parfois défini cette conscience comme “ce qui donne la sensibilité à la personne”. A d’autres occasions, il a utilisé un synonyme : “l’expérience primordiale “(comme étant différente d’une “expérience” – par laquelle il voulait dire : “un événement ne devient une expérience que lorsque je suis émotionnellement impliqué “). Il a décrit la proportion entre les différents niveaux comme suit : ” Il ne peut y avoir aucune expérience de l’Absolu, car il est au-delà de toute expérience. D’un autre côté, le Soi est le facteur d’expérience dans chaque expérience et valide ainsi, d’une certaine manière, la multiplicité des expériences. ” (Ext. I am That)  En d’autres termes : l’Absolu est  ininterrompu ( intemporel). Bien qu’il ne puisse être expérimenté, il confère constamment une réalité à tout ce qui est expérimenté. Cette qualité d’octroi est en quelque sorte “transmise” par le Soi, l'”Expérience primordiale”, qui à son tour accorde une réalité temporaire aux multiples expériences.

Le mariage de deux qualités (Sattva et Rajas).

Fortement influencé dans son usage linguistique par la tradition Samkhya,école phylosophique dualiste, Nisargadatta expliquait parfois le processus d’identification en utilisant les termes sattva, rajas et tamas, empruntés au Samkhya. Il s’agit des trois guna-(s), les qualités qui déterminent et colorent toutes nos actions (rajas est l’excitant, l’agité, ce qui incite à l’activité ; tamas l’inerte, le solidifiant, l’obscurcissant ; et sattva la qualité qui maintient l’équilibre, la qualité de l’être, de la connaissance, du calme et de la lucidité). Nisargadatta a décrit la transition procédant de sattva comme suit : “Pendant l’état de veille, savoir que vous êtes [sattva] est en soi une misère ; mais comme vous êtes préoccupé par tant d’autres choses, vous êtes capable de maintenir cet état de veille. Cette qualité d’être [sattva], le savoir “je suis”, ne peut se tolérer lui-même. Elle ne peut pas se supporter, seule, en se connaissant elle-même. C’est pourquoi le rajas-guna est là. Il emmène l’être en balade dans diverses activités, afin qu’il ne reste pas uniquement en lui-même ; il est très difficile de maintenir cet état [sattva].

Et tamas-guna est la qualité la plus basse. Ce qu’il fait, c’est qu’il permet de revendiquer la paternité de toutes les activités – le sentiment “c’est moi qui fais”. Rajas-guna nous entraîne dans toutes les activités, et tamas-guna revendique la paternité ou la propriété de ces activités”. (Ext. ultime médecine)

On pourrait dire qu’en fait, le pouvoir de rajas est à l’origine un pouvoir plutôt libre, qui n’a pas nécessairement besoin de s’accrocher à quelque chose. C’est seulement l’effet de tamas qui fait que les choses se collent les unes aux autres. Cette qualité fait que nous sommes fixés, que nous sommes attachés à quelque chose, que nous nous isolons, que nous nous inquiétons, etcetera. par l’entremise de tamas, nous en venons à coller une histoire personnelle ou une histoire sur une activité spontanée. On pourrait interpréter le conseil de Nisargadatta de la façon suivante : vous ne pouvez que permettre à rajas de surgir, car il est inhérent au pouvoir créatif spontané – accueillez-le simplement et continuez à reconnaître le point de départ, le tout premier “contact” (que Nisargadatta appelle aussi “piqûre d’épingle”). Le conseil est de “reconnaître l’expérience du toucher”. Le toucher ou la piqûre d’épingle est ce que j’ai appelé “l’embouchure de la fontaine” : à cet endroit, vous assistez pour ainsi dire au mariage de sattva et de rajas, c’est un mariage entre l’immobilité et la puissance vibratoire. Restez immobile (sattva) dans la puissance vibrante et éclaboussante (rajas).

Le « Je » est le terme qui se réfère à tout.

En vous consacrant à cela, en honorant cette pointe d’épingle, cette “conscience”, votre recherche prend fin.

Ici, vous pouvez laisser tomber le ” faire “, la tentative de vous rendre au-delà de cette conscience, car vraiment cela ne servira à rien.

Nisargadatta nous dit: « Vous ne pouvez jamais vous isoler de la conscience, seul la conscience  satisfaite de vous, se débarrasse alors de vous. La conscience ouvre la porte pour que vous puissiez transcender la conscience. Il y a deux aspects : l’un est la conscience conceptuelle, dynamique, qui est pleine de concepts, et l’autre est la conscience transcendante. Même le concept “Je suis” n’existe pas. Le Brahman conceptuel et qualitatif (Saguna Brahman), celui qui est plein de concepts et de qualités, est le résultat de la réflexion de la Conscience (Nirguna Brahman ou Para Brahman) dans le corps physique. ” ( Ext. Conscience P97) Ainsi, bien qu’il soit initialement important et correct de faire la distinction entre la conscience (chetana) et la Conscience (ou Awareness ; Chit), il est logique, à un certain moment, de simplement embrasser la conscience dans son être – dans sa forme la plus subtile de « touche » , de sorte que toute résistance disparaisse, et avec elle toute dualité. La conscience est toujours déjà en harmonie ou en paix avec son objet présent. Ce « contact » est l’aide qui vous bénit dans votre et Son abandon ; il vous montre que vous avez toujours été innaffecté et intact, libre et non séparé, sans avoir besoin de vous battre pour cela. Ainsi, d’une part, Maharaj souligne : « Moi, l’Absolu, je ne suis pas ce ‘Je suis’ » ,(ext. prior to consciousness p27) mais d’autre part : “Comprenez que ce ‘Je’ n’est pas différent aux différents niveaux. En tant qu’Absolu, c’est le « Je » qui, en se manifestant, a besoin d’une forme. Le même « Je » absolu devient le « Je » manifesté, et dans le « Je » manifesté, c’est la conscience qui est la source de tout. Dans l’état manifesté, c’est l’Absolu avec la conscience. “(ext. prior to consciousness p114) Il est frappant de constater qu’ici, comme en de nombreux autres endroits, Maharaj continue d’utiliser le mot “Je” pour désigner l’Ultime. En plus de s’appeler lui-même très souvent “Moi, l’Absolu”, il dit par exemple : “Rien n’existe sauf moi. Seul moi existe “(ext.ultime guérison) et “Lorsque l’état d’être est totalement avalé, tout ce qui reste est ce « Je » éternel “.(ext. nectar of immortality p43) Ainsi, « Je » semble être le terme qui nous désigne sur les trois plans : la personne pense et ressent « Je », le contact de l’être est l’expérience du « Je » sans pensée (sans « mien »), et l’Ultime est « Je », sans en faire l’expérience. Cela signifie que le Réel que nous sommes, est toujours déjà ainsi, et maintenant déjà. Aussi, au milieu de l’identification à une certaine forme, il y a l’invitation à reconnaître le plus proche, à savoir le « Je », dans sa nature essentielle. Est-ce que « Je » est une porte ? Nisargadatta répond : « Il n’y a pas de portes pour accéder au Para Brahman. » (ext. nectar of immortality p57)  ( N-d-t :Ya-t-il besoin d’une porte pour accéder à ce que nous sommes déjà, là où nous sommes déjà?)

Extrait et traduit de

Renard, Philip.  «  ‘I’ is a Door: The essence of Advaita as taught by Ramana Maharshi, Atmananda Krishna Memon & Nisargadatt