Premiers discours 30 – Maya , ou comment s’oublier

Ce qui est connu comme Purusha ou esprit cosmique est véritablement Purushottam, le Soi. C’est ainsi qu’apparaît la vie animée et inanimée. Quand ce phénomène se produit, c’est le début de toute existence. Quand toutes les couleurs et toutes les formes sont ôtées, ce qui reste, c’est le Soi pur. Alors il n’y a aucune considération de haut ou de bas. Le Soi est libéré de tous les défauts présents chez les êtres vivants. Ce qui fait cette expérience s’appelle Purushottam.

Tout ce qui est vu ou apparaît est Maya, aussi bien sous l’aspect d’un pois chiche que sous celui d’un village. L’observateur est la Conscience. C’est ainsi que le voyant, le vu et la vision se connectent. Qu’entend-on par dépendance ? Elle s’élève à partir de la Source, grandit et finit par se fondre dans la Source. C’est ainsi qu’il y a dépendance. Tout ce que vous voyez ou ce qui vous apparaît dépend de vous. Vous en avez le contrôle. Ce qui est antérieur à tout, c’est ce qui contrôle tout. En réalité, vous êtes avant tout. Toutes les expériences arrivent à Purushottam et la façon dont cela se produit est une chose étonnante. Il n’y a personne qui fait l’expérience d’être un, mais Purushottam est toujours un. Chacun devrait réaliser sa méprise, il ne serait alors plus question de rédemption. C’est une bonne chose que chacun considère son excellence, mais sa justification ne doit pas importuner les autres. Votre amour pour les sages est la véritable dévotion. Se souvenir d’eux et chanter le Mantra peut vous aider à réaliser tous vos désirs. Quand nous devenons vraiment purs, la réalisation de Dieu est facile.

Toute confusion provient du jeu de Maya. De grands efforts, sans relâche, sont produits pour gagner et accumuler des richesses incommensurables, pourtant en un instant la personne riche peut disparaître et la richesse est transférée à une autre personne. C’est ainsi que Maya œuvre. Vous ne pourrez pas la trouver, même après toutes vos tentatives. Elle est insignifiante mais ses effets se déploient dans un vaste espace. Le mot «nourriture» n’est composé que de dix lettres, mais elle occupe un vaste espace. Elle vient de la terre ou de la poussière et elle est poussière elle-même. Si nous ne le voyons pas ainsi, cela prend forme devant nous. Si l’on voit la réalité, ça devient de la poussière. Même alors, tous mangent, boivent et dorment. C’est Maya. Nous apprenons d’abord à connaître notre existence, puis nous remarquons le monde extérieur. Nous agissons dans le monde en oubliant le Soi. C’est Maya. C’est pure ignorance que de s’inquiéter de la descendance familiale en l’absence d’enfants.

Un jnani porte un regard différent sur les choses. Il dit que si la mort survient, c’est une bonne chose, car la douleur et les problèmes du corps disparaissent. Par contre, celui qui s’accroche fermement à son identité corporelle a peur de la mort. Les chercheurs donnent toute leur confiance à celui qui a la conviction de n’être jamais né et qui n’est donc pas concerné par la mort.

Les sages affirment que nous ne sommes jamais nés. Purushottam est indépendant du corps et de la Conscience. Notre expérience de l’existence n’est qu’imagination. Il n’y a là rien de vrai ni de faux. Pour qu’un être jiva prenne forme, le Shiva doit l’animer. Il s’éclaire de sa propre lumière, Il est empli de lumière. C’est grâce à Paramatman que Shiva brille. Le reflet de la lune dans un étang n’est pas la lune. De même, dans l’étang appelé corps, se reflète une image de Paramatman. Cependant, ce n’est pas Paramatman, seulement une image. L’affirmation selon laquelle Paramatman est né dans un corps est fausse. Bien qu’il y ait l’expérience d’un corps et qu’Il soit en lui comme une image. Il reste inchangé  au contact du corps. Mais en raison de l’identification avec l’image, il semble que la perception du corps soit réelle.

Le sage Nanak dit que votre image est dans le miroir, mais pas vous. Par la présence de la Conscience, le nom de Nanak a été donné. Celui qui tournera son regard vers l’intérieur atteindra la plénitude du Soi. Ainsi, Nanak nous dit : « Pourquoi cherchez-vous Hari dans la forêt? Il est dans votre Cœur. Vous sentez votre être dans le Cœur. Dieu essaie de dire que, bien que Je sois présent dans tous les êtres, Je ne suis vraiment nulle part. De quoi dépend la fierté de tout être vivant?» Kabîr dit que si une maison est vacante, toutes sont vacantes, mais si l’une est occupée, toutes les autres le sont aussi. Pour faire court, tout est illusoire, tout est méprise.

Nisargadatta Maharaj

25 septembre 1955

Extrait de “Premiers discours” aux éd. des 2 Océans

4 réponses sur “Premiers discours 30 – Maya , ou comment s’oublier”

  1. Bonjour Ji Phi,
    Je n’ai toujours pas bien compris :
    Purushottam=Parabrahman? De même :”LeSoi”(theSelf), ” certes la conscience,”Le Soi Pur”: Parabrahman. Etc…
    Il est difficile de s’y retrouver. Le problème ne viendrai-t-il pas de la traduction du marathi à l’anglais ?

    1. Bonjour Jean,

      Ce passage peut ne pas être évident à suivre effectivement. Tout en cherchant à nous libérer de Maya, le risque est de s’y empêtrer un peu plus. Le grand nombre de termes différents peut faire croire au mental qu’il va trouver là une bonne nourriture et pouvoir résoudre enfin l’énigme à son niveau.
      La compréhension mentale qui fonctionne sur un mode duel – a du mal parfois avec le paradoxe.

      Il ne faut pas perdre de vue que le but de Maharaj n’est pas de nous donner une compréhension conceptuelle de notre véritable nature, mais de nous aider à ôter les voiles de ‘Maya’,avec son lot de fausses identifications posées sur notre Nature véritable.
      Pour cela il y a deux possibilités, soit se taire, parce qu’il est évident qu’aucun mot ne peut décrire correctement ce qui antérieure aux mots. C’est alors un enseignement par le silence.

      Soit parler, pour montrer l’illusion des mots (concepts) et l’illusion de séparation et de multiplicité à la quelle ils contribuent.
      Dans ce texte, Maharaj comme assez souvent dans ces enseignements, construit une explication conceptuelle, pour ensuite la démonter, ou en tout cas nous montrer son caractère relatif, si ce n’est illusoire, en nous la faisant regarder dans la lumière de la conscience non-duelle.
      Maharaj se tient au delà de la distinction de tout ces termes, s’il les emploie à bon escient, c’est pour nous permettre de nous dégager de l’emprise conceptuelle. Et s’il semble en recréer d’autres, c’est très provisoirement, comme on tend un jouet à un enfant, pour lui faire lâcher un objet qui pourrait être dangereux pour lui.

      Je reprends le passage suivant :

      Rare est celui qui connaît cet océan d’illusion (Maya). Tous les autres se noient dedans, en faisant des mouvements en tous sens. Mirabaï dit: «Toutes mes erreurs sont effacées par la Conscience de Krishna et maintenant je me suis dissous en Lui. Je n’ai pas d’existence séparée, Je ne peux qu’être Krishna. En tant que conscience limitée, jiva, je m’étais identifié à ce corps, mais la Conscience de Krishna m’en a libéré. » Vous êtes présent en vous- même en tant que Dieu, et par votre conviction seule, Dieu reste libre de toute fausse identification. Alors, il n’est plus question de juste ou de faux pour qui que ce soit, il n’y a plus que béatitude et rien que béatitude.

      Ici le nom donné à ce qui est notre identité véritable est Dieu , ou Conscience de Krishna ( Conscience non identifiée), il n’y a que cela qui soit.
      Cependant même dans le passage ci-dessus, il y a encore pour l’évoquer une concession faîte à quelqu’un qui pourrait se dissoudre dans un plus grand autre que lui ou elle. C’est encore une image , une représentation, Il n’y a qu’une seule lumière, une seule présence, une seule conscience. la présence – conscience que peut ressentir le jiva, l’être séparé, n’est pas la sienne, c’est la même que celle qui anime le Jnani. L’expérience par contre est différente, puisque le jiva, par l’expérience d’identification ( qui n’est pas la sienne, mais celle de la Conscience Une, il n’y a en a pas d’autre), voit comme au travers d’un prisme qui diffracte la lumière une en une multitude de couleurs, qu’il ne reconnaît pas comme sienne, ou s’en approprie certaines pour en rejeter d’autres.
      Maharaj nous invite à voir ici que toutes ces couleurs ( Purushottam, Parabrahman , le Soi) sont toujours l’Unique Réalité même dans la manifestation illusoirement multiple. Alors même Maya n’est pas vu comme différente. Parce qu’elle semble voiler notre Unicité, mais est aussi notre aspect de manifestation toujours changeante, elle est juste considérée comme illusoire.

      Pour paraphraser Nisargadatta :

      Voir que je ne suis rien ( de ce que je croyais, c’est la sagesse), voir que que je suis tout (ce qui peut perçu, vécu, ) est l’Amour. Entre les deux ( face de ma Véritable nature), ma (la) vie s’écoule.

      En souhaitant que ces quelques mots apportent un peu de clarté dans la Clarté.

      1. Oui, absolument ! Merci pour ces explications si éclairantes !
        Comme par hasard avant votre réponse, réfléchissant à ma question, je suis tombé sur ces paroles de Tayumanavar
        ( dont j’ai perdu les références, peut-être dans: (“David Godman : Bhagavan and Tayumanavar”):
        “You are Chit, the real,which is like a crystal, reflecting the qualities of whatever is placed before it, and yet having no connection with it.”
        Il me semble que cela va tout à fait dans le sens de vos commentaires…

        ps : mon prénom : Jean-Michel et non :Jean 🙂

        1. Quand la question vient d’un questionnement sincère et profond, elle est déjà la première étape de la formulation de la réponse. Celle-ci ne tarde pas à se manifester quelque que soient les voies par lesquelles elle arrive ou prend forme !

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