“Auprès de Nisargadatta maharaj” de David Godman traduit par A.Porte auxéditions Accarias
- Présentation
Recueil de mémoires, anecdotes et circonstances d’enseignements de David Godman, disciple contemporain de Nisargadatta maharaj.
- Extraits
extrait P62: Quand Maharaj parlait, il ne vous demandait pas de vous joindre à un processus.comment pouvait-il vous requérir d’accomplir quelque chose alors qu’il savait que vous n’existiez pas? Il ne vous demandait pas de comprendre, et il n’était pas entrain de vous dire: »Faites ceci et vous parviendrez à l’éveil. » Ce n’était pas du tout à vous qu’il s’adressait. C’et vers la conscience en vous qu’il dirigeait ses mots, dans une tentative de vous rendre conscience de qui vous étiez. Cependant ,si ces mots ne produisaient pas un résultat immédiat, il savait qu’ils pouvaient être fructueux plus tard. c’est ce qui est arrivé dans son propre cas.Siddharameshwar lui a dit qu’il était Brahman. Nisargadatta s’est battu avec cela pendant trois ans jusqu’à ce qu’il finisse par laisser tomber ses doutes et comprenne que c’était la vérité.
P63…. citation de Nisargadatta Maharaj : » les mots des êtres parvenus à l’éveil ont un pouvoir qui les fait durer. Les grands saints du passéont délivrés leurs enseignements, et ses enseignements ont perduré, parce qu’il y a pouvoir et autorité dans ces enseignements. D’autres personnes ont pu dire la même chose à la même époque, mais les mots de ces personnes ont disparu parce qu’il n’y avait nul pouvoir en eux. Les mots des Jnani ont perduré, parcequ’ils ont le pouvoir et l’autorité de ce qui Est, au-delà d’eux. »
Chapitre 23 de “I amThat” traduit par Alain Porte est édité en appendice de ” Au près de Nisargadatta maharaja” par David Godman aux éditions Accarias l’originel pour l’édition en langue française.
Maharaj: Vous êtes trempés, car il pleut fort. Dans le monde qui est le mien, il fait beau. Il n’y a ni nuit ni jour, il ne fait ni chaud ni froid. Nul souci ne m’assaille, et nul regret non plus. Mon esprit ignore les pensées, et il n’y a pas de désir poue en être esclave.
Questionneur: Y-a-t-il deux mondes?
M: Votre monde est éphémère, soumis aux changements. le mien est parfait, soustrait aux changements. Vous pouvez me dire de votre monde ce qu’il vous plaira- j’échouerai soigneusement, et même avec intérêt, cependant pas un seul instant je n’oublierai que votre monde n’existe pas, que vous êtes entrain de rêver.
Q: Qu’est-ce qui distingue votre monde du mien?
M: le monde qui est le mien, rien ne le caractérise qui permette de l’identifier. Vous ne pouvez rien en dire. je suis mon propre monde. Mon propre monde est moi-même. il et totalement abouti et parfait. Toute impression est effacée, toute expérience, rejetée. je n’ai besoin de rien, pas même de moi-même, car moi-même, je ne peux le perdre.
Q: Pas même Dieu?
M: Toutes ces idées et ses distinctions existent dans votre monde ; mais dans le mien il n’y a rien de tel. Mon propre monde est unique, et très simple.
Q: Rien ne s’y produit?
M: Quoi qu’il arrive dans votre monde, c’est seulement en lui qu’il détient sa validité, etqu’il suscite une réponseDans le monde qui est le mien, rien n’arrive.
Q: Le fait même que vous expérimentée votre propre monde implique la dualité qui est inhérente à toute expérience.
M: Verbalement- oui. mais vos paroles ne parviennent pas jusqu’à moi. Le monde qui est le mien est un monde non-verbal. Dans votre monde, l’inexprimé n’a pas d’existence. Dans le mien, les mots et leur contenu n’ont pas lieu d’être. dans votre monde, rien ne demeure en place. Dans le mien, rien ne change. Mon univers est réel, tandis que le vôtre est fait de rêves.
Q: Cependant, nous sommes en train de parler.
M: la conversation a lieu dans votre monde. dans le mien, il y a un éternel silence. Mon silence est un chant, ma vacuité est plénitude. Rien ne me manque. Vous ne pouvez connaître le monde qui est le mien avant de vous y trouver.
Q: Apparemment, c’est comme si vous seul étiez dans votre monde.
M: Comment pouvez-vous dire seul ou non, quand aucun mot n’est pertinent? C’est évident, je suis seul car je suis tout.
Q: Ne venez-vous jamais dans notre monde?
M: Qu’est-ce qui va et vient pour moi? Ce sont encore des mots. Je suis. D’où dois-je venir et où toi-je aller?
Q: Votre monde a quoi me sert-il?
M: Vous devriez observer plus étroitement votre propre monde, en faire un examen critique, et vous vous trouverez soudain dans le mien.
Q: Et qu’est-ce que nous y gagnons?
M: Vous ne gagnez rien. vous laissez derrière vous ce que vous n’etes pas, et vous trouverez ce que vous n’avez jamais perdu- votre être véritable.
Q: Quel est le gouverneur de votre monde?
M: Il n’y a ni gouverneur, ni gouverné. il n’y a aucune sorte dde dualité.vous ne faites que projeter vos propres idées. vos textes religieux et vos dieux n’ont ici aucune signification.
Q: Mais vous avez toujours un nom et une forme, vous faites preuve de conscience et d’activité.
M: Dans votre monde, c’est ainsi que j’apparais. dans le mien, je n’ai que l’être. Rien d’autre. Vous, vous êtes des gens qui débordez d’idées de possession, de quantité et de qualité. je suis totalement dépourvu d’idées.
Q: Dans mon propre monde, ce sont perturbation, souffrance et désespoir que je trouve. Vous semblez vivre de revenus secrets, tandis que moi, je dois travailler comme un forçat pour assurer mon existence.
M: Faites comme il vous plaît. Vous avez la liberté de quitter votre monde pour le mien.
Q: Comment se fait le passage?
M : Regardez votre monde tel qu’il est, et non pas comme vous imaginez qu’il est. La discrimination conduira au détachement, le détachement garantira l’action juste, et l’action juste construira le pont intérieur qui conduit à votre véritable nature. L’action est une preuve de sincérité. Faites ce qui vous est dit avec zèle et exactitude, et tous les obstacles s’élimineront.
Q: Êtes-vous heureux?
M: Dans votre monde je serais très malheureux. Se réveiller, manger, parler, se rendormir – Quel ennui !
Q: Alors vous n’avez même pas envie de vivre?
M: Vivre, mourir, que démons sans signification ! Quand vous me voyez en vie, je suis mort, et quand vous me croyez mort, je suis vivant. Vous embrouillez tout!
Q: Comme vous êtes indifférent ! Toutes les douleurs de notre monde ne sont rien pour vous.
M: Je suis tout a fait conscient de vos problèmes.
Q: Que faîtes vous alors pour eux?
M: Il n’y a rien que je sois tenu de faire. Ils vont et viennent.
Q: S’en vont-ils en raison du fait m^e que vous leur prêtiez attention?
M: Oui. La difficulté peut-être d’ordre physique, émotionnel, ou mental, mais elle eest toujours individuelle. les calamités à grande échelle sont la somme d’innombrables destinées individuelles, et prennent du temps pour se stabiliser. mais la mort n’est pas une calamité.
Q: Meme lorsqu’un homme est tué?
M: La clamité reléve du tueur.
Q: Encore une fois, il me semble qu’il y a deux mondes, le mien et le vôtre.
M: Le mien est réel, le vôtre relève de la pensée.
Q: Imaginez un rocher, un trou dans le rocher, et une grenouille dans le trou. la grenouille peut passer sa vie dans une parfaite félicité, sans que rien ne l’en détourne ou ne la dérange. A l’extérieur du rocher, le monde continue. si l’on parlait du monde extérieur à la grenouille dans son trou, elle dirait:”Il n’existe rien de tel. Le monde qui est le mien est fait de paix et de félicité. Votre monde n’est qu’un tissu de mots, il n’a pas d’existence.” Il en va de m^me avec vous. Quand vous nous dites que notre monde n’existe tout simplement pas, il n’y pas de terrain d’entente pour une discussion. ou bien, tenez prenonsun autreexemple. je me rends chez un médecin, et je me plains de maux d’estomac. Il m’examine et me déclare: “Tout va bien.” “Mais je souffre”, dis-je.”Votre souffrance est d’ordre mental”, affirme-t-il. Je dis: “Ca n’aide pas de savoir que ma souffrance est d’ordre mental. vous êtes médecin, guérissez-moi de ma souffrance. Si vous ne pouvez me guérir, vous n’êtes pas mon médecin.”
M: Parfaitement juste.
Q: Vous avez construit la voie ferrée, mais par manque de pont aucun train ne peut passer. Construisez le pont.
M: Il n’y a nul besoin de pont.
Q: Il faut bien qu’il y ait une liaison entre votre monde et le mien.`
M: Il n’y a nul besoin d’une liaison entre un monde réel et un monde imaginaire, car il ne peut y en avoir une.
Q: Alors, qu’est-ce que nous devons faire?
M: Explorez votre monde, appliquez-y votre pensée, faites-en un examen critique, passez au peigne fin toute idée que vous avez de lui. Cela marchera.
Q: Le monde est trop vaste pour une exploration. Tout ce que je sais, c’est que je suis, que le monde est, que le monde me dérange et que je dérange le monde.
M: Mon expérience est que tout est félicité, mais que le désir de félicité engendre la souffrance. C’est ainsi que la félicité devient le germe de la souffrance. l’univers entier de la souffrance est né du désir. Renoncez à tout désir de plaisir, et vous ne saurez plus ce qu’est la souffrance.
Q: pourquoi le plaisir serait-il le germe de la souffrance?
M: Parce qu’au nom du plaisir vous multipliez les actes nuisibles, et les résultats de ces actes nuisibles sont la souffrance et la mort.
Q: Vous dites que pour nous le monde n’est d’aucune utilité- que c’est seulement une tribulation. Je crois qu’il ne peut en être ainsi. Dieu n’est pas un pareil idiot. Le monde me semble être une vaste entreprise vouée à introduire le possible dans l’actuel, le concret dans la vie, l’inconscient dans la pleine conscience. Pour atteindre l’ultime, il nous faut expérimenter les contraires. Tout comme il nous faut, pour construire un temple, des pierres et du mortier, du bois et du fer, du verre et des tuiles, de même pour faire d’un homme un sage divin, un maîtreî de la vie et de la mort, il nous faut des éléments de toutes les expériences. Tout comme une femme se rend au marché pour acheter des provisions de toute sorte, rentre chez elle, cuisine, fait du pain, et nourrit son seigneur et maître, de même nous nous cuisons nous-mêmes à point dans le feu de la vie et nous nourrissons notre Dieu.
M: Bien? si vous pensez comme ça, agissez en fonction. Nourrissez votre Dieu, allez-y!
Q: Un enfant se rend à l’école et apprend beaucoup de choses, qui ne lui serviront à rien plus tard. Mais au cours de son éducation, il grandit. De même, nous traversons des expériences sans nombre, et nous les oublions toutes. Mais en attendant nous grandissons tout le temps. Et qu’est-ce qu’un Jñanī, sinon un homme qui a le génie de la réalité! Ce monde qui est le mien ne saurait être un accident, il fait sens, il doit forcément y avoir un plan derrière lui. Mon Dieu a un plan.
M: Si le monde n’est pas vrai, alors le plan et son créateur ne le sont pas non plus.
Q: Une fois encore, vous niez le monde. Il n’y apas de pont entre nous.
M: Un pont n’est pas nécessaire. Votre erreur, c’est de croire que vous êtes né. Vous n’avez jamais eu de naissance, pas plus quevous ne mourrez un jour, maais vous croyez que vous êtes né à telle date et dans tel lieu, et qu’un corps particulier est bien le vôtre.
Q: Le monde existe, je suis. c’est dans les faits.
M: Pourquoi vous faites-vous du souci pour le monde avant de prendre soin de vous-même? Vous voulez sauver le monde, n’est-ce pas? Pouvez-vous sauver le monde avant de vous sauver vous-même? et que veut dire “être sauvé”? Sauvé de quoi? De l’illusion. Le salut, c’est de voir les choses telles qu’elles sont. Réellement, je ne me vois relié ni à quelqu’un ni à quelque chose, pas même un moi-même, quel qu’il puisse être. Je suis pour toujours – soustrait à toute définition. Je suis tout à la fois à l’intérieur et au-delà; au coeur des choses et inaccessible.
Q: Comment y êtes-vous parvenu?
M: Par ma confiance en mon guru. il m’a dit : “Toi seul es” et je nai pas douté de lui. j’étais simplement perplexe, jusqu’à ce que je prenne conscience que c’est absolument vrai.
Q: Une conviction due à la répétition?
M: Par la prise de conscience de moi-même. Je découvris que je suis absolument conscient et heureux, et que c’est seulement par erreur que je pensais que c’était au corps et au monde des corps que j’étais redevable de l’être-conscience-béatitude.
Q: Vous n’êtes pas un homme instruit. Vous n’avez pas beaucoup lu et ce que vous lisiez, ou entendiez dire, ne comportait peut-être pas de contradictions. j’ai reçu une assez bonne éducation, et j’ai beaucoup lu, et j’ai découvert que livres et enseignants se contredisaient désespérément les uns les autres. Conséquence: quoi que je lise ou écoute, je le reçois dans un état de doute.”Il se peut que ce soit commença, ou que ce ne soit pas comme ça”, c’est là ma première réaction. Et comme ma pensée est incapable d décider ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, je reste enrage avec mes doutes. dans le Yoga, une pensée qui doute est un énorme désavantage.
M: Je suis ravi d’entendre ça, mais mon guru, lui aussi m’enseignait à douter de tout, et catégoriquement. il disait:” Dénie une existence à toutechose, sauf ton être.” C’est par le désir que vous avez créée le monde avec ses souffrances et ses plaisirs.
Q: Est-il obligatoire que cela, aussi, soit douloureux?
M: Quoi d’autre? par sa nature même le plaisir est limité et passager. C’est de la souffrance que naît le désir, c’est dans la souffrance qu’il cherche a s’épanouir, et il s’achève dans la souffrance de la frustration et du désespoir. La souffrance est le terreau du plaisir, toute recherche du plaisir prend naissance dans la souffrance et s’achève dans la souffrance.
Q: Tout ce que vous dites est clair pour moi, mais quand survient un problème physique ou mental, ma pensée devient triste et terne, et recherche frénétiquement la détente.
M Qu’est-ce que cela concerne? C’est la pensée qui est triste et agitée, pas vous. Regardez, toutes sortes de choses arrivent dans cette pièce.Est-ce que j’en suis la cause? Elles ne font que se produire. Ainsi en va-t-il pour vous – le rouleau du destin se déploie et réalise l’inéluctable. vous ne pouvez pas changer le cours des événements, mais vous pouvez changer votre attitude, et ce qui importe réellement, c’est l’attitude, et non l’événement brut. le monde est la demeure des désirs et des peurs. vousne pouvez y trouver la paix. pour cela, il vous faut aller au- delà du monde. La cause fondamentale du monde est l’amour de soi-même. C’est pour cela que nous recherchons le plaisir, pour éviter la souffrance.
Remplacez l’amour de soi par l’amour de l’être, et le tableau change. Brahmâ, le Créateur, est la totalité de tous les désirs. Le monde est l’instrument de leur réalisation. les âmes s’emparent de tous les plaisirs qu’elles veulent; et le prix qu’elles paient, ce sont des larmes. le temps règle tous les comptes. La loi de l’équilibre règne en maître.
Q: Pour être un surhomme, on doit d’abord être un homme.Être un homme est le fruit d’expérience innombrables. le désir conduit à l’expérience. par conséquent, dans son propre temps et à son propre niveau, le désir est juste.
M: Tout cela est vrai en un sens. Mais un jour arrive où vous avez suffisamment accumulé et où vous devez commencer à construire. c’est alors que discrimination et détachement ( viveka et vaīrāgya) sont absolument nécessaires. tout doit être minutieusement examiné, et l’inutile doit être impitoyablement détruit. Croyez-moi, il ne peut y avoir trop de destruction, car rien n’a de valeur. Soyez passionnément dépassionné- c’est tout.