Je suis Cela 9 – Les réponses de la mémoire

mémoire monde Nisargadatta


Visiteur : Certains disent que l’univers a été créé. D’autres disent qu’il a toujours existé et qu’il subit sans cesse des transformations. Certains disent qu’il est soumis à des lois éternelles. D’autres nient même la causalité. Certains disent que le monde est réel. D’autres – qu’il n’a pas d’existence.

Nisargadatta Maharaj : Sur quel univers porte votre question ?


V : Celui que je perçois, bien sûr.


N.M : Le monde que vous pouvez percevoir est en effet très petit. Et il est entièrement privé. Prenez-le pour un rêve et n’y pensez plus.


V : Comment puis-je considérer que c’est un rêve ? Un rêve ne dure pas.


N.M : Combien de temps durera votre petit monde ?


V : Après tout, mon petit monde n’est qu’une partie de l’ensemble.


N.M : L’idée d’un monde total n’est-elle pas une partie de votre petit monde personnel ? L’univers ne vient pas vous dire que vous en faites partie. C’est vous qui avez inventé une totalité pour y être contenu comme une partie. En fait, tout ce que vous connaissez, c’est votre propre monde privé, aussi bien meublé soit-il de vos imaginations et de vos attentes.


V : Assurément, la perception n’est pas l’imagination !


N.M : Quoi d’autre ? La perception est une reconnaissance, n’est-ce pas ? Une chose totalement inconnue peut être pressentie, mais ne peut être perçue. La perception implique la mémoire.


V : D’accord, mais la mémoire n’en fait pas une illusion.


N.M : La perception, l’imagination, l’attente, l’anticipation, l’illusion – toutes sont basées sur la mémoire. Il n’y a pratiquement aucune frontière entre elles. Elles se fondent simplement les unes dans les autres. Toutes sont des réponses de la mémoire.


V : Pourtant, la mémoire est là pour prouver la réalité de mon monde.


N.M : De quoi vous souvenez-vous ? Essayez d’écrire de mémoire ce que vous pensiez, ce que vous disiez et faisiez le 30 du mois dernier.


V : Oui, il y a un blanc.


N.M : Ce n’est pas si grave. Vous vous souvenez de beaucoup de choses – la mémoire inconsciente rend le monde dans lequel vous vivez si familier.


V : J’admets que le monde dans lequel je vis est subjectif et partiel. Qu’en est-il pour vous ? Dans quel genre de monde vivez-vous ?


N.M : Mon monde est comme le vôtre. Je vois, j’entends, je sens, je pense, je parle et j’agis dans un monde que je perçois, tout comme vous. Mais pour vous, il est tout, tandis que vu d’ici ce n’est rien. Sachant que le monde est une partie de moi-même, je ne lui accorde pas plus d’attention que vous n’en accordez à la nourriture que vous avez mangée. Pendant qu’elle est préparée et mangée, la nourriture est séparée de vous et vos pensées se fixent sur elle ; une fois avalée, vous en êtes totalement inconscient. J’ai avalé le monde et je n’ai plus besoin d’y penser.


V : Ne devenez-vous pas ainsi complètement irresponsable ?


N.M : Comment le pourrais-je ? Comment pourrais-je faire du mal à quelque chose qui ne fait qu’un avec moi. Au contraire, sans penser au monde, tout ce que je fais lui sera bénéfique. De même que le corps se redresse inconsciemment, de même je suis sans cesse actif pour redresser le monde.


V : Néanmoins, vous êtes conscient de l’immense souffrance du monde ?


N.M : Bien sûr que je le suis, bien plus plus que vous ne l’êtes.


V : Alors que faites-vous ?


N.M : Je le regarde avec les yeux de Dieu et je constate que tout va bien.


V : Comment pouvez-vous dire que tout va bien ? Regardez les guerres, l’exploitation, les luttes cruelles entre le citoyen et l’état.


N.M : Toutes ces souffrances sont créées par l’homme et l’homme a le pouvoir d’y mettre fin. Dieu aide en mettant l’homme face aux résultats de ses actions et en exigeant que l’équilibre soit rétabli. Le karma est la loi qui agit pour la justice ; c’est la main guérisseuse de Dieu.

Nisargadatta Maharaj
Extrait traduit pour https://meditations-avec-sri-nisargadatta-maharaj.com/ .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Je suis Cela 8 – La seule voie vers la paix

extase Nisargadatta Maharaj

Visiteur : Lorsque j’étais enfant, j’expérimentais assez souvent des états de bonheur complet, à la limite de l’extase. Plus tard, ils ont cessé, mais depuis que je suis venu en Inde, ils sont réapparus, en particulier après votre rencontre. Pourtant, ces états, aussi merveilleux soient-ils, ne sont pas durables. Ils vont et viennent et on ne sait pas quand ils reviendront.


Nisargadatta Maharaj : Comment quelque chose peut-il être stable dans un esprit qui lui-même n’est pas stable ?

V : Comment puis-je rendre mon mental stable ?


N.M : Comment un mental instable peut-il se stabiliser ? Bien sûr qu’il ne le peut pas. C’est la nature du mental de vagabonder. Tout ce que vous pouvez faire est de déplacer le centre de gravité de la conscience au-delà du mental.

V: Comment y arriver?


N.M : Refusez toutes les pensées sauf une : la pensée “Je suis”. Au début, le mental se rebellera, mais avec de la patience et de la persévérance, il cédera et se taira. Une fois que vous serez tranquille, les choses commenceront à se produire spontanément et tout à fait naturellement, sans aucune interférence de votre part.

V : Puis-je éviter cette lutte interminable avec mon mental ?


N.M : Oui, vous le pouvez. Vivez simplement votre vie comme elle vient, mais avec vigilance, en permettant à tout de se produire comme cela se produit, en faisant les choses ordinaires de la manière ordinaire, en souffrant, en vous réjouissant – comme la vie le propose. Cela aussi est une voie.


V : Bien, alors je peux aussi bien me marier, avoir des enfants, diriger une entreprise… être heureux.


N.M : Bien sûr. Vous pouvez être heureux ou non, prenez-le comme vous l’entendez.


V : Pourtant, je veux le bonheur.


N.M : Le vrai bonheur ne peut être trouvé dans les choses qui changent et passent. Le plaisir et la douleur alternent inexorablement. Le bonheur véritable vient du Soi et ne peut être trouvé que dans le Soi. Trouvez votre vrai Soi (swarupa) et tout le reste viendra avec.


V : Si mon être réel est paix et amour, pourquoi est-il si agité ?


N.M : Ce n’est pas votre être réel qui est agité, mais son reflet dans l’esprit  qui semble agité parce que le mental est agité. C’est comme le reflet de la lune dans l’eau agitée par le vent. Le vent du désir agite le mental et le “moi”, qui n’est qu’un reflet du Soi dans le mental, apparaît changeant. Mais ces idées de mouvement, d’agitation, de plaisir et de douleur sont toutes dans le mental. Le Soi se situe au-delà du mental, il est conscient, mais ne se sent pas concerné.

V : Comment l’atteindre ?


N.M : Vous êtes le Soi, ici et maintenant. Laissez le mental tranquille, restez conscient et tranquille; alors vous réaliserez que le fait de rester alerte mais détaché, regardant les événements aller et venir, est un aspect de votre vraie nature.


V : Quels sont les autres aspects ?


N.M : Ces aspects sont innombrables. Réalisez-en un, et vous les réaliserez tous.


V : Dites-moi une chose qui pourrait m’aider.


N.M : Vous savez mieux que quiconque ce dont vous avez besoin !


V : Je suis agité. Comment puis-je obtenir la paix ?


N.M : Pourquoi avez-vous besoin de paix ?


V : Pour être heureux.


N.M : N’êtes-vous pas heureux maintenant ?


V : Non, je ne le suis pas.


N.M : Qu’est-ce qui vous rend malheureux ?


V : J’ai ce que je ne veux pas, et je veux ce que je n’ai pas.


N.M : Pourquoi n’inversez-vous pas la situation : voulez ce que vous avez et ne vous souciez pas de ce que vous n’avez pas ?


V : Je veux ce qui est agréable et ne veux pas ce qui est pénible.


N.M : Comment savez-vous ce qui est agréable et ce qui ne l’est pas ?


V : Par l’expérience passée, bien sûr.


N.M: Guidé par la mémoire, vous avez poursuivi l’agréable et évité le désagréable. Avez-vous réussi ?


V : Non, je n’ai pas réussi. L’agréable ne dure pas. La souffrance s’installe à nouveau.


N.M : Quelle souffrance ?


V : Le désir de plaisir, la peur de souffrir, tous deux sont des états de détresse. Existe-t-il un état de plaisir pur ?


N.M : Tout plaisir, physique ou mental, a besoin d’un instrument. Les instruments physiques et mentaux sont matériels, ils se fatiguent et s’usent. Le plaisir qu’ils procurent est nécessairement limité en intensité et en durée. La souffrance est à l’origine de tous vos plaisirs. Vous les voulez parce que vous souffrez. D’autre part, la recherche même du plaisir est la cause de la souffrance. C’est un cercle vicieux.


V : Je vois le mécanisme de ma confusion, mais je ne vois pas comment en sortir.


N.M : L’examen même du mécanisme montre le chemin. Après tout, votre confusion n’est que dans votre esprit, qui ne s’est jamais rebellé jusqu’à présent contre la confusion et n’y a jamais fait face. Il ne s’est rebellé que contre la douleur.


V : Donc, tout ce que je peux faire, c’est de rester confus ?


N.M : Soyez vigilant. Questionnez, observez, investiguez, apprenez tout ce que vous pouvez sur la confusion, comment elle fonctionne, comment elle agit en vous et avec les autres. En étant clair sur la confusion, vous vous en libérerez.


V : Quand je regarde en moi-même, je découvre que mon désir le plus fort est de créer un édifice, de construire quelque chose qui me survivra. Même lorsque je pense à un foyer, une femme et un enfant, c’est parce que c’est un témoignage durable, solide, de moi-même.


N.M : et bien soit! Comment comptez-vous vous y prendre ?


V : Peu importe ce que je construis, pourvu que cela soit permanent.


N.M : Cependant, vous pouvez constater par vous-même que rien n’est permanent. Tout s’use, se décompose, se dissout. Le sol même sur lequel vous construisez cède. Que pouvez-vous construire qui soit plus durable que tout ?


V : Intellectuellement, verbalement, je suis conscient que tout est éphémère. Pourtant, d’une certaine manière, mon cœur veut de la permanence. Je veux créer quelque chose qui dure.


N.M : Alors vous devez le construire avec quelque chose de durable. Qu’avez-vous qui soit durable ? Ni votre corps ni votre esprit ne dureront. Vous devez chercher ailleurs.


V : J’aspire à la permanence, mais je ne la trouve nulle part.


N.M : N’êtes-vous pas, vous-même, permanent ?


V : Je suis né, je mourrai.


N.M : Pouvez-vous vraiment dire que vous n’étiez pas avant de naître et pouvez-vous dire après votre mort : “Maintenant je ne suis plus” ? Vous ne pouvez pas dire, à partir de votre propre expérience, que vous n’êtes pas. Vous pouvez seulement dire “Je suis”. Les autres non plus ne peuvent pas vous dire que vous n’êtes pas.


V : Il n’y a pas de “je suis” dans le sommeil.


N.M : Avant de faire des déclarations aussi radicales, examinez attentivement votre état de veille. Vous découvrirez rapidement qu’il est plein de trous, lorsque le mental s’efface. Remarquez le peu de souvenirs que vous avez, même lorsque vous êtes pleinement éveillé. Vous ne vous souvenez tout simplement pas. Un trou dans la mémoire n’est pas nécessairement un trou dans la conscience.


V : Puis-je faire en sorte que je me souvienne de mon état de sommeil profond ?


N.M : Bien sûr ! En éliminant les intervalles d’inattention  pendant vos heures de veille, vous éliminerez progressivement le long intervalle d’étourderie que vous appelez sommeil. Vous serez conscient que vous dormez.


V : Pourtant, le problème de la permanence, de la continuité de l’être, n’est pas résolu.


N.M : La permanence est une simple idée, née de l’action du temps. Le temps dépend à nouveau de la mémoire. Par permanence, vous entendez une mémoire infaillible à travers un temps infini. Vous voulez éterniser l’esprit, ce qui n’est pas possible.


V : Alors qu’est-ce qui est éternel ?


N.M : Ce qui ne change pas avec le temps. Vous ne pouvez pas rendre éternel une chose éphémère.
Seul l’immuable est éternel.
V : Je suis familier avec le sens général de ce que vous dites. Je n’ai pas envie d’en savoir plus. Tout ce que je veux, c’est la paix.


N.M : Vous pouvez avoir, si vous le demandez, toute la paix que vous souhaitez.


V : J’en fait la demande.


N.M : Vous devez demander avec un cœur sans partage et vivre une vie unifiée.


V : Comment ?


N.M : Détachez-vous de tout ce qui rend votre esprit agité. Renoncez à tout ce qui perturbe sa paix. Si vous voulez la paix, méritez-la.


V : Il est certain que tout le monde mérite la paix.


N.M : Seuls ceux qui ne la troublent pas la méritent.


V : De quelle manière est-ce que je perturbe la paix ?


N.M : En étant l’esclave de vos désirs et de vos peurs.

V : Même lorsqu’ils sont justifiés ?


N.M : Les réactions émotionnelles, nées de l’ignorance ou de la distraction, ne sont jamais justifiées. Recherchez un esprit clair et un cœur pur. Tout ce dont vous avez besoin, c’est de rester calmement vigilant, en vous interrogeant sur la vraie nature de vous-même. C’est la seule voie vers la paix.

Nisargadatta Maharaj
Extrait traduit pour https://meditations-avec-sri-nisargadatta-maharaj.com/ .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Je suis Cela 7 – Le mental

esprit nisargadatta je suis

Visiteur : Il existe des livres très intéressants, écrits par des personnes apparemment très compétentes, dans lesquels le caractère illusoire du monde est nié (mais pas son caractère transitoire). Selon eux, il existe une hiérarchie des êtres, du plus bas au plus haut ; à chaque niveau, la complexité de l’organisme permet et reflète la profondeur, l’ampleur et l’intensité de la conscience, sans qu’il y ait d’aboutissement visible ou connaissable. Une loi suprême règne partout : l’évolution des formes pour la croissance et l’enrichissement de la conscience et la manifestation de ses infinies potentialités.


Nisargadatta Maharaj : Il peut en être ainsi ou non. Même si c’est le cas, ce n’est le cas que dans une interprétation à travers le mental, mais en fait, l’univers entier (mahadakash) n’existe que dans la Conscience (chidakash), tandis que je me tiens dans l’Absolu (paramakash). Dans l’être pur, la conscience surgit ; dans la Conscience, le monde apparaît et disparaît. Tout ce qui existe est moi, tout ce qui existe est mien. Avant tout commencement, après toute fin – “Je suis”. Tout est en moi, dans le “Je suis” qui rayonne dans chaque être vivant. Même le non-être est impensable sans moi. Quoi qu’il arrive, je dois être là pour en être le témoin.


V : Pourquoi niez-vous que le monde existe ?


N.M : Je ne nie pas le monde. Je le vois comme apparaissant dans la Conscience, qui est la totalité du connu dans l’immensité de l’inconnu.
Ce qui a un début et une fin est une simple apparence. On peut dire que le monde apparaît, mais qu’il n’est pas. L’apparence peut durer très longtemps sur une certaine échelle de temps, et être très courte sur une autre, mais en fin de compte, elle revient au même. Tout ce qui est limité dans le temps est transitoire et n’a pas de réalité.


V : Assurément, vous voyez le monde réel tel qu’il vous entoure. Vous semblez vous comporter tout à fait normalement !


N.M : C’est ainsi qu’il vous apparaît. Ce qui, dans votre cas, occupe tout le champ de la conscience, n’est qu’une simple tache dans le mien. Le monde est instantané. C’est votre mémoire qui vous fait croire qu’il est continu. Moi, je ne vis pas de souvenirs. Je vois le monde tel qu’il est, une apparition momentanée dans la Conscience.


V : Dans votre conscience ?


N.M : Toute idée de “moi” et de “mien”, même de “je suis” prend place dans la Conscience.
V : Votre “être absolu” (paramakash) est-il donc inconscient ?


N.M : L’idée de non-conscience n’existe que dans la Conscience.


V : Alors, comment savez-vous que vous êtes dans l’état suprême ?

N.M : Parce que j’y suis. C’est le seul état naturel.


V : Pouvez-vous le décrire ?


N.M : Seulement par la négation, comme non causé, indépendant, sans rapport, non divisé, non composé, inébranlable, indiscutable, qui ne peut être atteint par l’effort. Toute définition positive  ferait appel à la mémoire et, par conséquent,  est inapplicable. Et pourtant, mon état est suprêmement actuel et, par conséquent, possible, réalisable, atteignable.


V : N’êtes-vous pas immergé intemporellement dans une abstraction ?


N.M : L’abstraction est mentale et verbale et disparaît dans le sommeil, ou la torpeur ; elle réapparaît dans le temps ; je suis dans mon propre état (swarupa) intemporel, dans le maintenant. Le passé et le futur ne sont que dans l’esprit – je suis maintenant.


V : Le monde aussi est maintenant.


N.M : Quel monde ?


V : Le monde qui nous entoure.


N.M : C’est votre monde que vous avez à l’esprit, pas le mien. Que savez-vous de moi, alors que même ma conversation avec vous ne se déroule que dans votre monde ? Vous n’avez aucune raison de croire que mon monde est identique au vôtre. Mon monde est réel, vrai, tel qu’il est perçu, tandis que le vôtre apparaît et disparaît, selon l’état de votre activité mental. Votre monde est quelque chose d’étranger, et vous en avez peur. Mon monde, n’est autre que moi-même. Je suis chez moi.


V : Si vous êtes le monde, comment pouvez-vous en être conscient ? Le sujet de la conscience n’est-il pas différent de son objet ?


N.M : La conscience et le monde apparaissent et disparaissent simultanément, ce sont  deux aspects d’un même état.


V : Dans le sommeil, je ne suis pas, et le monde continue.


N.M : Comment le savez-vous ?


V : Au réveil, je le sais. Ma mémoire me le dit.


N.M : La mémoire est liée au mental. Le mental continue dans le sommeil.


V : Il est en partie en suspens.


N.M : Mais son image du monde n’est pas affectée. Tant que le mental est là, votre corps et votre monde sont là. Votre monde est fabriqué par le mental, subjectif, enfermé dans l’esprit, fragmentaire, temporaire, personnel, suspendu au fil de la mémoire.


V : En est-il de même du vôtre?


N.M : Oh non. Je vis dans un monde de réalités, alors que le vôtre est fait d’imaginations. Votre monde est personnel, privé, non partageable, il vous appartient intimement. Personne ne peut y entrer, voir comme vous voyez, entendre comme vous entendez, ressentir vos émotions et penser vos pensées. Dans votre monde, vous êtes vraiment seul, enfermé dans votre rêve toujours changeant, que vous prenez pour la vie. Mon monde est un monde ouvert, commun à tous, accessible à tous. Dans mon monde,  il y a  communauté,  perspicacité, amour, qualité vraie ; l’individu est  la totalité de l’individualité. Tous sont un et l’Un est tout.


V : Votre monde est-il rempli de choses et de personnes comme le mien ?


N.M : Non, il est rempli de ‘moi-même’.


V : Mais voyez-vous et entendez-vous comme nous ?


N.M : Oui, j’ai l’air d’entendre et de voir, de parler et d’agir, mais pour moi, cela se produit simplement, comme pour vous la digestion ou la transpiration. La machine corps-psychisme  s’en occupe, mais me laisse en dehors de tout cela. Tout comme vous n’avez pas à vous soucier de la pousse des cheveux, je n’ai pas à me soucier des paroles et des actions. Ils se produisent simplement et ne me préoccupent pas, car dans mon monde, rien ne va jamais comme cela ne devrait pas.

Nisargadatta Maharaj
Extrait traduit pour https://meditations-avec-sri-nisargadatta-maharaj.com/ .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Lecture du texte :

Je suis Cela 6 – La méditation

nisaargadatta je suis 5

Visiteur : Tous les enseignants conseillent de méditer. Quel est le but de la méditation ?


Nisargadatta Maharaj : Nous connaissons le monde extérieur des sensations et des actions, mais nous savons très peu de choses de notre monde intérieur des pensées et des sentiments. Le but premier de la méditation est de devenir conscient et de se familiariser avec notre vie intérieure. Le but ultime est d’atteindre la source de la vie et de la conscience.
Par ailleurs, la pratique de la méditation affecte profondément notre caractère. Nous sommes esclaves de ce que nous ne connaissons pas ; de ce que nous connaissons, nous sommes maîtres. Quel que soit le vice ou la faiblesse en nous, nous découvrons et comprenons ses causes et ses rouages, nous le surmontons par le simple fait de le mettre en lumière ; l’inconscient se dissout lorsqu’il est amené au conscient. La dissolution de l’inconscient libère de l’énergie ; l’esprit se sent adéquat et s’apaise.


V : A quoi sert un esprit calme ?


N.M : Lorsque l’esprit est calme, nous arrivons à nous connaître en tant que pur témoin. Nous nous retirons de l’expérience et de celui qui l’expérimente et nous nous tenons à l’écart dans la pure conscience, qui se situe entre les deux et au-delà. La personnalité, basée sur l’auto-identification, sur le fait de s’imaginer être quelque chose : ” Je suis ceci, je suis cela “, continue, mais seulement comme une partie du monde objectif. Son identification avec le témoin se rompt.


V : Comme je peux le constater, je vis sur plusieurs niveaux et la vie sur chaque niveau requiert de l’énergie. Le Soi, par sa nature même, se délecte de tout et ses énergies s’écoulent vers l’extérieur. Le but de la méditation n’est-il pas de maintenir les énergies aux niveaux supérieurs, ou de les pousser vers le haut, afin de permettre aux niveaux supérieurs de prospérer également ?


N.M : Ce n’est pas tant une question de niveaux que de gunas (qualités). La méditation est une activité sattvique et vise à l’élimination complète de tamas (inertie) et de rajas (activité). Sattva (harmonie) pur est l’absence parfaite de paresse et d’agitation.


V : Comment renforcer et purifier Sattva ?


N.M : Sattva est toujours pur et fort. Il est comme le soleil. Il peut sembler obscurci par les nuages et la poussière, mais seulement du point de vue de celui qui le perçoit. Occupez-vous des causes de l’obscurcissement, pas du soleil.


V : A quoi sert sattva ?


N.M : A quoi servent la vérité, la bonté, l’harmonie, la beauté ? Elles sont leur propre but. Elles se manifestent spontanément et sans effort, lorsque les choses sont laissées à elles-mêmes, sans interférences, ne sont pas évitées, ou voulues, ou conceptualisées, mais simplement expérimentées en pleine conscience, cette conscience elle-même est sattva. Elle ne se sert pas les choses et les gens – elle les accomplit.


V : Puisque je ne peux pas améliorer sattva, dois-je m’occuper uniquement de tamas et rajas ? Comment dois-je m’occuper d’eux alors?


N.M : En observant leur influence en vous et sur vous. Soyez conscient de leur fonctionnement, observez leurs expressions dans vos pensées, vos paroles et vos actes, et progressivement leur emprise sur vous diminuera et la claire lumière  de sattva émergera. Ce n’est ni un processus difficile, ni  interminable ; la sincérité est la seule condition du succès.

Nisargadatta Maharaj
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Lecture de l’enseignement :

Méditations, investigations sur l’enseignement :

Je suis Cela 5 – Ce qui est né doit mourir

monde réel, nisargadatta

Visiteur : La conscience-témoin est-elle permanente ou non ?


Nisargadatta Maharaj : Elle n’est pas permanente. Le connaisseur se lève et se couche avec le connu. Ce dans quoi le connaisseur et le connu se lèvent et se fixent, est au-delà du temps. Les mots permanent ou éternel ne s’y appliquent même pas.


V : Dans le sommeil, il n’y a ni le connu, ni le connaisseur. Qu’est-ce qui maintient le corps sensible et réceptif ?


N.M : Vous ne pouvez certainement pas dire que le connaisseur était absent. L’expérience des choses et des pensées n’était pas là, c’est tout. Mais l’absence d’expérience est aussi une expérience. C’est comme entrer dans une pièce sombre et dire : ” Je ne vois rien “. Un homme aveugle de naissance ne sait pas ce que signifie l’obscurité. De même, seul celui qui sait sait qu’il ne sait pas. Le sommeil n’est qu’un trou de mémoire. La vie continue.


V : Et qu’est-ce que la mort ?


N.M : C’est le changement dans le processus de vie d’un corps particulier. L’intégration se termine et la désintégration s’installe.


V : Mais qu’en est-il du connaisseur. Avec la disparition du corps, le connaisseur disparaît-il ?


N.M : Tout comme le connaisseur du corps apparaît à la naissance, il disparaît à la mort.


V : Et rien ne reste ?


N.M : La vie demeure. La conscience a besoin d’un véhicule et d’un instrument pour sa manifestation. Lorsque la vie produit un autre corps, un autre processus de connaissance apparaît.


V : Y a-t-il un lien de causalité entre les corps-connaisseurs successifs, ou corps-esprits ?


N.M : Oui, il y a quelque chose que l’on peut appeler le corps-mémoire, ou corps causal, un enregistrement de tout ce qui a été pensé, voulu, et vécu.  C’est comme un nuage d’images maintenues dans un album.


V : D’où vient ce sentiment d’existence séparée ?


N.M : C’est une réflexion dans un corps séparé de l’unique réalité. Dans cette réflexion, l’illimité et le limité sont confondus et pris pour la même chose. Le but du yoga est de dissiper cette confusion.
V : La mort ne supprime-t-elle pas cette confusion ?


N.M : Dans la mort, seul le corps meurt. La vie ne meurt pas, la conscience une ne meurt pas, la réalité ne meurt pas.
Et la vie n’est jamais aussi vivante qu’après la mort.


V : Mais est-ce que l’on renaît ?


N.M : Ce qui est né doit mourir. Seul le non-né est sans mort. Trouvez ce qui ne dort jamais et ne se réveille jamais, et dont le pâle reflet est notre sens du “je”.


V : Comment dois-je m’y prendre pour le découvrir ?


N.M : Comment s’y prendre pour trouver quoi que ce soit ? En gardant tout votre esprit et votre cœur sur la question. Il doit y avoir un intérêt et un rappel constant. Un rappel constant de ce dont il faut se souvenir est le secret de la réussite. On y arrive par le sérieux.


V : Voulez-vous dire que le simple fait de vouloir découvrir quelque chose est suffisant ? Il est certain qu’il faut à la fois des qualifications et des opportunités.


N.M : Celles-ci viendront avec la détermination. Ce qui est suprêmement important, c’est d’être libre de toute contradiction : le but et le chemin ne doivent pas être sur des niveaux différents ; la vie et la lumière ne doivent pas se disputer ; le comportement ne doit pas trahir la foi. Appelez cela honnêteté, intégrité, cohérence ; vous ne devez pas revenir en arrière, défaire, déraciner, abandonner le terrain conquis. De la détermination dans l’objectif et de l’honnêteté dans la poursuite vous mèneront à votre but.


V : La ténacité et l’honnêteté sont des dons, assurément ! Je n’en ai pas la moindre trace.


N.M : Tout viendra au fur et à mesure que vous avancerez. Faites d’abord le premier pas. Toutes les bénédictions viennent de l’intérieur. Tournez-vous vers l’intérieur. “Je suis” vous est intime. Soyez avec lui tout le temps que vous pouvez y consacrer, jusqu’à ce que vous y reveniez spontanément. Il n’y a pas de moyen plus simple et plus facile.

Nisargadatta Maharaj
Extrait traduit pour https://meditations-avec-sri-nisargadatta-maharaj.com/ .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Vidéo de lecture du texte :

Vidéo d’investigation à partir du texte:

Je suis Cela 4 – Le monde réel est au-delà du mental

Nisargadatta , je suis, vivance du présent

Visiteur : À plusieurs reprises, la question a été posée de savoir si l’univers est soumis à la loi de la causalité, ou s’il existe et fonctionne en dehors de cette loi. Vous semblez penser qu’il est sans  cause; que tout; aussi petit soit-il, n’a pas de cause, apparaissant et disparaissant sans aucune raison connue.


Nisargadatta Maharaj : La causalité signifie la succession dans le temps d’événements dans l’espace, l’espace étant physique ou mental. Le temps, l’espace et la causalité sont des catégories mentales, qui apparaissent et disparaissent avec le mental.


V : Tant que l’esprit fonctionne, la causalité est une loi valide.


N.M : Comme tout ce qui est mental, la soi-disant loi de la causalité se contredit elle-même. Aucune chose dans l’existence n’a de cause particulière ; l’univers entier contribue à l’existence de la plus petite chose ; rien ne pourrait être tel qu’il est sans que l’univers soit ce qu’il est. Lorsque la source et le fondement de toute chose sont la seule cause de toute chose, il est faux de parler de la causalité comme d’une loi universelle. L’univers n’est pas lié par son contenu, car ses potentialités sont infinies ; il est d’ailleurs une manifestation, ou l’expression d’un principe fondamentalement et totalement libre.


V : Oui, on peut voir qu’en fin de compte, il est tout à fait faux de dire qu’une chose est la seule cause d’une autre chose. Pourtant, dans la vie réelle, nous entreprenons invariablement une action en vue d’un résultat.


N.M : Oui, il y a beaucoup d’activités de ce genre, à cause de l’ignorance. Si les gens savaient que rien ne peut se produire à moins que l’univers entier ne le fasse, ils  laisseraient se réaliser beaucoup plus de choses en dépensant moins d’énergie.


V : Si tout est une expression de la totalité des causes, comment pouvons-nous parler d’une action intentionnelle vers une réalisation ?


N.M : L’envie même de réaliser est aussi une expression de l’univers total. Elle montre simplement que le potentiel énergétique a augmenté en un point particulier. C’est l’illusion du temps qui vous fait parler de causalité. Lorsque le passé et le futur sont vus dans le maintenant intemporel, comme des parties d’un modèle commun, l’idée de cause-effet perd sa validité et la liberté créative prend sa place.


V : Pourtant, je ne vois pas comment une chose peut venir à l’existence sans cause.


N.M : Quand je dis qu’une chose est sans cause, je veux dire qu’elle peut être sans cause particulière. Votre propre mère n’était pas nécessaire pour vous donner naissance ; vous auriez pu naître d’une autre femme. Mais vous n’auriez pas pu naître sans le soleil et la terre. Même ceux-ci n’auraient pu causer votre naissance sans le facteur le plus important : votre propre désir de naître. C’est le désir qui donne naissance, qui donne un nom et une forme. Le désirable est imaginé et voulu et se manifeste comme quelque chose de tangible ou de concevable. Ainsi est créé le monde dans lequel nous vivons, notre monde personnel. Le monde réel est hors de portée du mental ; nous le voyons à travers le filet de nos désirs, divisés en plaisir et douleur, bien et mal, intérieur et extérieur. Pour voir l’univers tel qu’il est, il faut aller au-delà du filet. Ce n’est pas difficile à faire, car le filet est plein de trous.


V : Qu’entendez-vous par “trous” ? Et comment les trouver ?


N.M : Regardez le filet et ses nombreuses contradictions. Vous faites et défaites à chaque étape. Vous voulez la paix, l’amour, le bonheur et vous travaillez dur pour créer la douleur, la haine et la guerre. Vous voulez la longévité et vous mangez trop, vous voulez l’amitié et vous exploitez. Voyez votre filet comme étant fait de telles contradictions et supprimez-les – le fait même de les mettre en lumière les fera disparaître.


V : Puisque ma vision de la contradiction la fait disparaître, n’y a-t-il pas de lien de causalité entre ma vision et sa disparition ?


N.M : La causalité, même en tant que concept, ne s’applique pas au chaos.


V : Dans quelle mesure le désir est-il un facteur causal ?


N.M : Un parmi d’autres. Pour tout, il existe d’innombrables facteurs de causalité. Mais la source de tout ce qui est, c’est l’Infinie Possibilité, la Réalité Suprême, qui est en vous et qui projette sa puissance, sa lumière et son amour sur chaque expérience. Mais, cette source n’est pas une cause et aucune cause n’est une source. Pour cette raison, je dis que tout est sans cause. Vous pouvez essayer de retracer comment une chose se produit, mais vous ne pouvez pas découvrir pourquoi une chose est comme elle est. Une chose est telle qu’elle est, parce que l’univers est tel qu’il est.

Nisargadatta Maharaj
Extrait traduit pour https://meditations-avec-sri-nisargadatta-maharaj.com/ .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Vidéo de lecture du texte :

Je suis Cela 3 – La vivance du présent

vivance présent

La vivance du Présent
Visiteur : Comme je peux le voir, il n’y a rien d’anormal avec mon corps ni avec mon être réel. Les deux ne sont pas de mon fait et n’ont pas besoin d’être améliorés. Ce qui ne va pas, c’est le ” corps intérieur “, appelez-le psychisme, conscience individuelle, antahkarana, peu importe le nom.


Nisargadatta Maharaj : Que considérez-vous comme un problème en ce qui concerne votre esprit ?


V : Il est agité, avide de l’agréable et effrayé par le désagréable.


N. M : Qu’y a-t-il de mal à ce qu’il recherche l’agréable et évite le désagréable ? Le fleuve de la vie coule entre les rives de la douleur et du plaisir. Ce n’est que lorsque l’esprit refuse de s’écouler avec la vie, et reste bloqué sur les rives, que cela devient un problème. Par couler avec la vie, j’entends l’acceptation – laisser venir ce qui vient et partir ce qui va. Ne désirez pas, ne craignez pas, observez ce qui est, comme et quand cela arrive, car vous n’êtes pas ce qui arrive, vous êtes celui à qui cela se présente. En fin de compte, vous n’êtes même pas l’observateur. Vous êtes l’ultime potentialité dont la conscience qui embrasse tout est la manifestation et l’expression.


V : Pourtant, entre le corps et le Soi, il y a un nuage de pensées et de sentiments qui ne servent ni le corps ni le Soi. Ces pensées et ces sentiments sont légers, transitoires et sans signification, une simple poussière mentale qui aveugle et étouffe, et pourtant ils sont là, obscurcissant et détruisant.


N.M : Assurément, le souvenir d’un événement ne peut pas passer pour l’événement lui-même. Pas plus que l’anticipation. Il y a quelque chose d’exceptionnel, d’unique, dans l’événement présent, que l’évocation du précédent ou le futur n’ont pas. Il y a une vivacité, une actualité, il se détache comme s’il était éclairé. Le présent est marqué du sceau de la réalité, ce que le passé et le futur n’ont pas.


V : Qu’est-ce qui donne au présent ce “cachet de réalité” ?


N.M : Il n’y a rien de particulier dans l’événement présent qui le rende différent du passé et du futur. Pendant un moment, le passé a été réel et le futur le deviendra. Qu’est-ce qui rend le présent si différent ? Évidemment, ma présence. Je suis réel car je suis toujours maintenant, dans le présent, et ce qui est avec moi maintenant participe à ma réalité. Le passé est dans la mémoire, le futur – dans l’imagination. Il n’y a rien dans l’événement présent lui-même qui le fasse ressortir comme réel. Il peut s’agir d’un simple événement périodique, comme la sonnerie de l’horloge. Bien que nous sachions que les coups successifs sont identiques, le coup actuel est tout à fait différent du précédent et du suivant – tel qu’il est mémorisé ou attendu. Une chose focalisée dans le maintenant est avec moi, car je suis toujours présent ; c’est ma propre réalité que je confère à l’événement présent.


V : Mais nous traitons les choses dont nous nous souvenons comme si elles étaient réelles.


N.M : Nous prenons en considération les souvenirs, uniquement lorsqu’ils entrent dans le présent. L’oublié n’est pas pris en considération jusqu’à ce qu’on se le rappelle – ce qui implique de l’amener dans le présent.


V : Oui, je vois qu’il y a dans le maintenant un facteur inconnu qui donne une réalité momentanée à l’actualité transitoire.


N.M : Vous n’avez pas besoin de dire qu’il est inconnu, car vous le voyez fonctionner en permanence. Depuis que vous êtes né, a-t-il jamais changé ? Les choses et les pensées ont changé tout le temps. Mais le sentiment que ce qui est maintenant est réel n’a jamais changé, même en rêve.


V : Dans le sommeil profond, il n’y a aucune expérience de la réalité présente.


N.M : La transparence du sommeil profond est entièrement due à l’absence de souvenirs spécifiques. Mais un souvenir non-différencié de bien-être est présent. Il y a une différence de sentiment lorsque nous disons “j’étais profondément endormi” ou “j’étais absent”.


V : Revenons à  la question par laquelle nous avons commencé : entre la source de la vie et l’expression de la vie (qui est le corps), il y a le mental ( l’esprit) et ses états toujours changeants. Le flux des états mentaux est sans fin, sans signification et douloureux. La souffrance en est le facteur constant. Ce que nous appelons plaisir n’est qu’un vide, un intervalle entre deux états souffrants. Le désir et la peur sont la trame et la chaîne de la vie, et tous deux sont faits de souffrance. Notre question est : peut-il y avoir un esprit heureux ?


N.M : Le désir est le souvenir du plaisir et la peur est le souvenir de la douleur. Les deux rendent l’esprit agité. Les moments de plaisir ne sont que des trous dans ce flot de souffrance Comment l’esprit peut-il être heureux ?


V : C’est vrai lorsque nous désirons le plaisir ou que nous nous attendons à la douleur. Mais il y a des moments de joie inattendue, non anticipée. Une joie pure, non contaminée par le désir – non recherchée, non méritée, donnée par Dieu.


N.M : Pourtant, la joie n’est de la joie que dans un contexte de souffrance.


V : La souffrance est-elle un fait cosmique, ou purement mentale ?


N.M : L’univers est complet et là où il est complet, où rien ne manque, qu’est-ce qui pourrait occasionner de la souffrance ?


V : L’univers peut être complet dans son ensemble, mais incomplet dans ses détails.


N.M : Une partie du tout vue en relation avec le tout est également complète. Ce n’est que lorsqu’elle est vue isolée, qu’elle devient déficiente et donc le siège de la souffrance. Qu’est-ce qui rend l’isolement possible ?


V : Les limites de l’esprit, bien sûr. L’esprit ne peut pas voir le tout pour la partie.


N.M : Très bien. Le mental, par sa nature même, divise et oppose. Peut-il y avoir un autre esprit, qui unit et harmonise, qui voit le tout dans la partie et la partie comme totalement liée au tout ?


V : Cet autre fonctionnement- où le chercher ?


N.M : En allant au-delà de l’esprit qui limite, divise et oppose. En mettant fin au processus mental tel que nous le connaissons. Lorsque cela prend fin, cet esprit différent naît.


V : Dans ce fonctionnement mental, le problème de la joie et de la tristesse n’existe plus ?


N.M : Pas comme nous les connaissons, comme désirables ou répugnants. Cela devient plutôt une question d’amour cherchant à s’exprimer et rencontrant des obstacles. L’esprit inclusif est l’amour en action, luttant contre les circonstances, initialement frustré, finalement victorieux.


V : Entre l’esprit et le corps, serait-ce l’amour qui fait le pont ?


N.M : Quoi d’autre ? Le mental crée l’abîme, le cœur le franchit.

Nisargadatta Maharaj
Extrait traduit pour https://meditations-avec-sri-nisargadatta-maharaj.com/ .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Lecture de l’échange :

Développement et investigation :

Je suis Cela 2 – La différence

Nisargadatta Différence

Visiteur : Maharaj, vous êtes assis en face de moi et je suis ici à vos pieds. Quelle est la différence fondamentale entre nous ?


Nisargadatta Maharaj : Il n’y a pas de différence fondamentale.


V : Il doit pourtant y avoir une différence réelle, je viens à vous, ce n’est pas vous qui me visitez.


N.M : Parce que vous imaginez des différences, vous allez ici et là à la recherche de personnes que vous considérez comme “supérieures”.
V : Vous aussi, vous êtes une personne supérieure. Vous prétendez connaître le Réel, alors que je ne le connais pas.


N.M : Vous ai-je déjà dit que de ce fait, vous seriez inférieur ? Que ceux qui ont inventé de telles distinctions les prouvent. Je ne prétends pas savoir ce que vous ne savez pas. En fait, j’en sais beaucoup moins que vous.


V : Vos paroles sont sages, votre comportement noble, votre grâce toute-puissante.


N.M : Je ne sais rien de tout cela et ne vois aucune différence entre vous et moi. Ma vie est une succession d’événements, tout comme la vôtre. Seulement, je suis détaché et je vois le spectacle qui passe comme un spectacle qui passe, alors que vous vous attachez aux choses et avancez avec elles.


V : Qu’est-ce qui vous a rendu si dépassionné ?


N.M : Rien en particulier. Il se trouve que j’ai fait confiance à mon guru. Il m’a dit que je ne suis rien d’autre que le Soi et je l’ai cru. En lui faisant confiance, je me suis comporté en conséquence et j’ai cessé de me préoccuper de ce qui n’était ni moi, ni à moi.


V : Pourquoi avez-vous eu la chance de faire pleinement confiance à votre maître, alors que notre confiance est nominale et verbale ?


N.M : Qui peut le dire ? C’est arrivé ainsi. Les choses arrivent sans cause ni raison et, après tout, qu’importe, qui est qui ? La haute opinion que vous avez de moi n’est que votre opinion. Vous pouvez en changer à tout moment. Pourquoi attacher de l’importance aux opinions, même aux vôtres ?


V : Pourtant, vous êtes différent. Votre esprit semble être toujours calme et heureux. Et des miracles se produisent autour de vous.


N.M : Je ne sais rien des miracles, et je me demande si la nature admet des exceptions à ses lois, à moins que nous ne soyons d’accord pour dire que tout est un miracle. Quant à mon esprit, il n’existe pas. Il y a une Conscience dans laquelle tout se passe. C’est tout à fait évident et cela fait partie de l’expérience de chacun. Vous ne regardez simplement pas assez attentivement. Regardez bien, et voyez ce que je vois.


V : Que voyez-vous ?


N.M : Je vois ce que vous aussi pourriez voir, ici et maintenant, si ce n’est que votre attention est mal focalisée. Vous n’accordez aucune attention au Soi. Votre esprit est tout entier tourné vers les choses, les gens et les idées, jamais vers le Soi. Concentrez-vous sur vous- même, prenez conscience de votre propre existence. Voyez comment vous fonctionnez, observez les motifs et les résultats de vos actions. Étudiez la prison que vous avez construite autour de vous, sans y prêter garde. En prenant conscience de ce que vous n’êtes pas, vous apprenez à vous connaître. Le retour à Soi passe par le refus et le rejet. Une chose est certaine : le Réel n’est pas imaginaire, il n’est pas un produit de l’esprit. Même l’expérience “je suis” n’est pas continue, bien qu’elle soit un pointeur utile ; elle montre où chercher, mais pas ce qu’il faut chercher. Il suffit d’y regarder de près. Une fois que vous êtes convaincu que vous ne pouvez rien dire de vrai à propos du Soi, sauf “je suis”, et que rien de ce qui peut être pointé du doigt ne peut être le Soi, le besoin du “je suis” est terminé – vous n’avez plus le besoin de verbaliser ce que vous êtes. Tout ce dont vous avez besoin, c’est de vous débarrasser de la tendance à définir ce Soi. Toutes les définitions s’appliquent uniquement à votre corps et à ses expressions. Une fois cette obsession du corps disparue, vous reviendrez à votre état naturel, spontanément et sans effort. La seule différence entre nous est que je suis conscient de mon état naturel, alors que vous êtes perplexe. Tout comme l’or transformé en ornement ne présente rien de plus par rapport à la poussière d’or, sauf lorsque l’esprit le détermine ainsi, nous sommes unis dans l’être – nous ne différons qu’en apparence. Nous le découvrons en étant concerné, en cherchant, en enquêtant, en remettant en question chaque jour et chaque heure, en donnant sa vie à cette investigation.

Nisargadatta Maharaj
Extrait traduit pour www.meditations-avec-sri-Nisargadatta-Maharaj.com .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Lecture de l’enseignement :

Développement et investigation :

Je suis Cela 1 – le sens de “Je suis”

Je suis livre nisargadatta

Visiteur:  L’expérience quotidienne est qu’au réveil, le monde apparaît soudainement.
Nisargadatta Maharaj : Pour qu’une chose puisse venir à être, il faut qu’il y ait ‘un quelqu’un’ qui l’ accueille . Toute apparition et disparition présuppose un changement sur un fond immuable.
V: Avant de m’éveiller j’étais inconscient.
N.M: Dans quel sens ? Vous aviez oublié ou vous n’aviez pas fait d’expérience ? N’avez-vous pas d’expérience même lorsque vous êtes inconscient ? Peut-on exister sans savoir ? Un trou de mémoire : est-ce une preuve de non existence ? Et pouvez-vous valablement parler de votre propre non-existence comme d’une expérience réelle ? Vous ne pouvez même pas dire que votre esprit n’a pas existé. Ne vous êtes-vous pas réveillé lorsque l’on vous a appelé ? Et en vous réveillant, n’est-ce pas le sentiment “je suis” qui est venu en premier ? Une conscience en germe doit exister même pendant le sommeil ou l’évanouissement. Au réveil, l’expérience est la suivante : “Je suis – le corps – dans le monde. Cela peut sembler se produire successivement, mais en fait tout est simultané, c’est une seule idée : avoir un corps dans un monde. Peut-il y avoir le sens de “je suis” sans être quelqu’un ou un autre ?
V: Je suis toujours quelqu’un avec ses souvenirs et ses habitudes. Je ne connais aucun autre « je suis ».
N.M: Peut-être quelque chose vous empêche-t-il d’y accéder. Quand vous ne connaissez pas une chose que d’autres connaissent, que faites-vous ?
V: Je cherche la source de leur connaissance en suivant leurs indications.
N.M: N’est-il pas important pour vous de savoir si vous êtes un simple corps, ou quelque chose d’autre ? Ou peut-être rien du tout ? Ne voyez-vous pas que tous vos problèmes sont ceux de votre corps – la nourriture, les vêtements, le logement, la famille, les amis, le nom, la renommée, la sécurité, la survie – tout cela perd son sens dès que vous réalisez que vous n’êtes peut-être pas un simple corps.
V: Quel bénéfice tirerai-je de savoir que je ne suis pas ce corps ?
N.M: Même dire que vous n’êtes pas le corps n’est pas tout à fait vrai. D’une certaine manière, vous êtes tous les corps, les cœurs et les esprits et bien plus encore. Allez profondément dans l’expérience de “je suis” et vous découvrirez. Comment retrouve-t-on une chose que l’on a égarée ou oubliée ? Vous la gardez à l’esprit jusqu’à ce que vous la retrouviez. La sensation d’être, du “je suis” est la première à émerger. Demandez-vous d’où elle vient, ou observez-la simplement tranquillement. Lorsque l’esprit reste dans le “je suis”, sans bouger, vous entrez dans un état qui ne peut être verbalisé mais qui peut être expérimenté. Tout ce que vous avez à faire est d’essayer et d’essayer encore. Après tout, le sentiment “je suis” est toujours avec vous, seulement vous y avez attaché toutes sortes de choses…
corps, sentiments, pensées, idées, possessions, etc. Toutes ces identifications de soi sont trompeuses. A cause d’elles, vous vous prenez pour ce que vous n’êtes pas.
V: Mais alors que suis-je ?
N.M: Il suffit de savoir ce que vous n’êtes pas. Vous n’avez pas besoin de savoir ce que vous êtes. Car tant que la connaissance signifie une description en termes de ce qui est déjà connu, perceptuel ou conceptuel, il ne peut y avoir de connaissance de Soi, car ce que vous êtes ne peut être décrit, sauf comme une négation totale. Tout ce que vous pouvez dire est : “Je ne suis pas ceci, je ne suis pas cela”. Vous ne pouvez pas dire de manière significative “voilà ce que je suis”. Cela n’a tout simplement aucun sens. Ce que vous pouvez désigner comme “ceci” ou “cela” ne peut être vous-même. Vous ne pouvez certainement pas être “quelque chose” d’autre. Vous n’êtes rien de perceptible ou d’imaginable. Pourtant, sans vous, il ne peut y avoir ni perception ni imagination. Vous observez le cœur qui ressent, l’esprit qui pense, le corps qui agit ; l’acte même de percevoir montre que vous n’êtes pas ce que vous percevez. Peut-il y avoir une perception, une expérience sans vous ? Une expérience doit “appartenir à”. Quelqu’un doit venir et la déclarer comme sienne. Sans un expérimentateur, l’expérience n’est pas réelle. C’est l’expérimentateur qui confère une réalité à l’expérience. Une expérience que vous ne pouvez pas avoir, peut-elle avoir une valeur pour vous ?
V: La sensation d’être expérimentateur, la sensation du je suis n’est-ce pas aussi une expérience ?
N.M: De toute évidence, toute chose expérimentée est une expérience. Et dans chaque expérience, il y a celui qui l’expérimente. La mémoire crée l’illusion de la continuité. En réalité, chaque expérience a son propre expérimentateur et le sentiment d’identité est dû au facteur commun qui est à la base de toutes les relations expérimentateur-expérience. Identité et continuité ne sont pas synonymes. De même que chaque fleur a sa propre couleur, mais que toutes les couleurs sont causées par la même lumière, de même de nombreuses expériences apparaissent dans la conscience indivise et indivisible, chacune séparée en mémoire, identique en essence. Cette essence est la racine, le fondement, la “possibilité” intemporelle et sans espace de toute expérience.
V: Comment puis-je l’atteindre ?
N.M: Vous n’avez pas besoin de l’atteindre, car vous l’ êtes. Cela vous atteindra, si vous lui en donnez l’occasion. Laissez tomber votre attachement à l’irréel et le réel s’imposera rapidement et en douceur. Cessez de vous imaginer être ou faire ceci ou cela et la réalisation que vous êtes la source et le cœur de tout vous apparaîtra. Avec cela viendra l’Amour véritable qui n’est pas un choix ou une prédilection, ni un attachement, mais un pouvoir qui rend toute chose digne d’être aimée et aimable.

Nisargadatta Maharaj
Extrait traduit pour www.meditations-avec-sri-Nisargadatta-Maharaj.com .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Lecture de l’enseignement :

Développement et investigation:

Je suis Cela 0

Présentation d’un nouveau cycle de publication conjointement sur ce site internet et sur la chaîne You tube.

Pour celles et ceux qui été déjà abonné de puis quelques mois ,vous aurez pu recevoir et lire en ‘avant première’. Les enseignements de Nisargadatta sous le titre Je suis Cela, constitués des enseignements rassemblés par Maurice Frydman. Ces enseignements sont ceux qui ont fait connaître Nisargadatta à un auditoire occidental.

Il s’agit ici d’une nouvelle traduction à partir des textes originaux de la deuxième édition en anglais publiée chez Acorn Press aux états-Unis.

Ces textes recorrigés vous seront donc présentés au rythme d’un par semaine ,conjointement à leur lecture enregistrée et à des explications ou développement proposée sur You tube.

Merci à toutes celles et ceux d’entre Vous qui contribuez d’une manière ou d’une autre à rendre cela possible.

Bien à Vous,

en unité