Je suis 19 – La réalité réside dans l’objectivité

objectivité Nisargadatta Maharaj Je suis

La réalité réside dans l’objectivité


Visiteur : Je suis peintre et je gagne ma vie en peignant des tableaux. Est-ce que cela a une valeur d’un point de vue spirituel ?
Nisargadatta Maharaj : Quand vous peignez, à quoi pensez-vous ?
V : Quand je peins, il n’y a que la peinture et moi-même.
N.M : Que faites-vous alors ?
V : Je peins.
N.M : Non, vous ne peignez pas. Vous voyez la peinture en train de se faire. Vous ne faites que regarder, tout le reste se passe.
V : Le tableau se peint lui-même ? Ou bien y a-t-il un ” moi ” plus profond, ou un dieu qui peint ?
N.M : La conscience elle-même est le plus grand peintre. Le monde entier est un tableau.
V : Qui a peint le tableau du monde ?
N.M : Le peintre est dans le tableau.
V : Le tableau est dans le mental du peintre et le peintre est dans le tableau, qui est dans le mental du peintre qui est dans le tableau ! Cette infinité d’états et de dimensions n’est-elle pas absurde ? Dès que nous parlons d’image dans le mental, qui est lui-même dans l’image, nous arrivons à une succession sans fin de témoins, le témoin supérieur témoignant du témoin inférieur. C’est comme se tenir entre deux miroirs et s’étonner de la foule !
N.M : C’est vrai, vous seul et le double miroir sont là. Entre les deux, vos formes et vos noms sont innombrables.
V : Comment regardez-vous le monde ?
N.M : Je vois un peintre en train de peindre un tableau. Le tableau, je l’appelle le monde, le peintre, je l’appelle Dieu.
Je ne suis ni l’un ni l’autre. Je ne crée pas et je ne suis pas créé. Je contiens tout, rien ne me contient.
V : Lorsque je vois un arbre, un visage, un coucher de soleil, l’image est parfaite. Lorsque je ferme les yeux, l’image dans mon esprit est faible et floue. Si c’est mon esprit qui projette l’image, pourquoi dois-je ouvrir les yeux pour voir une jolie fleur alors que les yeux fermés je la vois vaguement ?
N.M : C’est parce que vos yeux extérieurs sont meilleurs que vos yeux intérieurs. Votre esprit est entièrement tourné vers l’extérieur. En apprenant à observer votre monde mental, vous le trouverez encore plus coloré et plus parfait que ce que le corps peut vous offrir. Bien sûr, vous aurez besoin d’un certain entraînement. Mais pourquoi se disputer ? Vous imaginez que le tableau doit venir du peintre qui l’a peint. Vous cherchez sans cesse des origines et des causes. La causalité n’est que dans l’esprit ; la mémoire donne l’illusion de la continuité et la répétitivité crée l’idée de causalité. Lorsque des choses se répètent, nous avons tendance à voir un lien de causalité entre elles. Cela crée une habitude mentale, mais une habitude n’est pas une nécessité.
V : Vous venez de dire que le monde est fait par Dieu.
N.M : Rappelez-vous que le langage est un instrument du mental ; il est fait par le mental, pour le mental. Une fois que vous admettez une cause, alors Dieu est la cause ultime et le monde l’effet. Ils sont différents, mais pas séparés.
V : Les gens parlent de voir Dieu.
N.M : Quand vous voyez le monde, vous voyez Dieu. Il n’y a pas de vision de Dieu en dehors du monde. Au-delà du monde, voir Dieu, c’est être Dieu. La lumière par laquelle vous voyez le monde, qui est Dieu, est la toute petite étincelle : “Je suis”, apparemment si petite, et pourtant la première et la dernière dans chaque acte de connaissance et d’amour.
V : Dois-je voir le monde pour voir Dieu ?

N. M : Comment faire autrement ? Pas de monde, pas de Dieu.
V : Que reste-t-il ?
N.M : Vous restez un être pur.
V : Et que deviennent le monde et Dieu ?
N.M : L’être pur (avyakta).
V : Est-ce la même chose que le Grand Espace (paramakash) ?
N.M : Vous pouvez l’appeler ainsi. Les mots n’ont pas d’importance, car ils ne l’atteignent pas. Ils se retournent dans la négation la plus totale.
V : Comment puis-je voir le monde comme Dieu ? Qu’est-ce que cela signifie de voir le monde comme Dieu ?
N.M : C’est comme entrer dans une pièce sombre. Vous ne voyez rien – vous pouvez toucher, mais vous ne voyez rien – pas de couleurs, pas de contours. La fenêtre s’ouvre et la pièce est inondée de lumière. Des couleurs et des formes apparaissent. La fenêtre donne de la lumière, mais n’en est pas la source. Le soleil en est la source. De même, la matière est comme une pièce sombre ; la conscience – la fenêtre – inonde la matière de sensations et de perceptions, et le Suprême est le soleil, la source à la fois de la matière et de la lumière. La fenêtre peut être fermée ou ouverte, le soleil brille tout le temps. Cela fait toute la différence pour la pièce, mais aucune pour le soleil. Mais tout cela est secondaire par rapport à la toute petite chose qu’est le “je suis”. Sans le “je suis”, il n’y a rien. Toute la connaissance porte sur le “je suis”. Les idées fausses sur ce “je suis” mènent à l’esclavage, tandis que la connaissance juste mène à la liberté et au bonheur.
V : Est-ce que “je suis” et “il y a” sont identiques ?
N.M : “Je suis” désigne l’intérieur, “il y a” – l’extérieur. Les deux sont fondés sur le sens de l’être.
V : Est-ce la même chose que l’expérience de l’existence ?
N.M : Exister signifie être quelque chose, une chose, un sentiment, une pensée, une idée. Toute existence est particulière. Seul l’être est universel, en ce sens que chaque être est compatible avec tous les autres. Les existences se heurtent, l’être – jamais. L’existence est synonyme de devenir, de changement, de naissance, de mort et de nouvelle naissance, tandis que l’être est une paix silencieuse.
V : Si je crée le monde, pourquoi l’ai-je rendu mauvais ?
N.M : Chacun vit dans son propre monde. Tous les mondes ne sont pas également bons ou mauvais.

V : Qu’est-ce qui détermine la différence ?
N.M : Le mental qui projette le monde le colore à sa façon. Quand vous rencontrez un homme, c’est un étranger. Quand vous l’épousez, il devient votre propre personne. Lorsque vous vous disputez, il devient votre ennemi. C’est l’attitude de votre esprit qui détermine ce qu’il est pour vous.
V : Je vois que mon monde est subjectif. Est-ce que cela signifie qu’il est aussi illusoire ?
N.M : Il est illusoire tant qu’il est subjectif et dans cette mesure seulement. La réalité réside dans l’objectivité.
V : Que signifie l’objectivité ? Vous avez dit que le monde était subjectif et maintenant vous parlez d’objectivité. Tout n’est-il pas subjectif ?
N.M : Tout est subjectif, mais le réel est objectif.

V : Dans quel sens ?
N.M : Il ne dépend pas des souvenirs et des attentes, des désirs et des peurs, des goûts et des dégoûts. Tout est vu tel que c’est.
V : Est-ce ce que vous appelez le quatrième état (turiya) ?
N.M : Appelez-le comme vous voulez. Il est solide, stable, immuable, sans commencement ni fin, toujours nouveau, toujours frais.

V : Comment l’atteint-on ?
M : L’absence de désir et l’absence de peur vous y conduiront.

Extrait traduit pour www.meditations-avec-sri-Nisargadatta-Maharaj.com .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Je Suis 17 – L’Eternel

L’Éternel

Visiteur : Les pouvoirs les plus élevés de l’esprit sont la compréhension, l’intelligence et la perspicacité. L’homme a trois corps – le physique, le mental et le causal (prana, mana, karana). Le physique reflète son être ; le mental – son savoir et le causal – sa créativité joyeuse. Bien sûr, ce sont toutes des formes de la conscience. Mais elles semblent être distinctes, avec des qualités qui leur sont propres. L’intelligence (buddhi) est le reflet dans l’esprit du pouvoir de connaître (chit). C’est ce qui permet à l’esprit de connaître. Plus l’intelligence est brillante, plus la connaissance est large, profonde et vraie. Connaître les choses, connaître les gens et se connaître soi-même sont toutes des fonctions de l’intelligence : la dernière est la plus importante et contient les deux premières. Une mauvaise compréhension de soi et du monde conduit à des idées et des désirs erronés, qui conduisent à nouveau à la servitude. La compréhension juste de soi-même est nécessaire pour se libérer de l’esclavage de l’illusion. Je comprends tout cela en théorie, mais lorsqu’il s’agit de la pratique, je constate que j’échoue désespérément dans mes réponses aux situations et aux personnes et que, par mes réactions inappropriées, je ne fais qu’ajouter à mon esclavage. La vie est trop rapide pour mon esprit terne et lent. Je comprends, mais trop tard, lorsque les vieilles erreurs ont déjà été répétées.
Nisargadatta Maharaj : Quel est donc votre problème ?
V : J’ai besoin d’une réponse à la vie, non seulement intelligente, mais aussi très rapide. Elle ne peut être rapide si elle n’est pas parfaitement spontanée. Comment puis-je atteindre cette spontanéité ?
N.M : Le miroir ne peut rien faire pour attirer le soleil. Il ne peut que rester réfléchissant. Dès que l’esprit est prêt, le soleil brille en lui.
V : La lumière est celle du Soi, ou celle de l’esprit ?
N.M : Les deux. Elle est non causée et invariable par elle-même et colorée par le mental, car elle bouge et change. C’est très semblable à un cinéma. La lumière n’est pas dans le film, mais le film colore la lumière et lui donne l’impression de bouger en l’interceptant.
V : Etes-vous maintenant dans l’état parfait ?
N.M : La perfection est un état de l’esprit, lorsqu’il est pur. Je suis au-delà du mental, quel que soit son état, pur ou impur. La conscience est ma nature ; en définitive, je suis au-delà de l’être et du non-être.
V : La méditation m’aidera-t-elle à atteindre votre état ?
N.M : La méditation vous aidera à trouver vos liens, à les desserrer, à les délier et à larguer vos amarres. Lorsque vous n’êtes plus attaché à rien, vous avez fait votre part. Le reste sera fait pour vous.
V : Par qui ?
N.M : Par le même pouvoir qui vous a amené jusqu’ici, qui a incité votre cœur à désirer la vérité et votre esprit à la rechercher. C’est la même puissance qui vous maintient en vie. Vous pouvez l’appeler la Vie ou le Suprême.
V : La même puissance qui me tue en temps voulu.
N.M : N’étiez-vous pas présent à votre naissance ? Ne serez-vous pas présent à votre mort ? Trouvez celui qui est toujours présent et votre problème de réponse spontanée et parfaite sera résolu.
V : La réalisation de l’éternel et une réponse adéquate et sans effort à l’événement temporaire toujours changeant sont deux questions différentes et distinctes. Vous semblez les regrouper en une seule. Qu’est-ce qui vous pousse à agir ainsi ?
N.M : Réaliser l’Éternel, c’est devenir l’Éternel, le tout, l’univers, avec tout ce qu’il contient. Chaque événement est l’effet et l’expression du tout et est en harmonie fondamentale avec le tout. Toute réponse du tout doit être juste, sans effort et instantanée.
Il ne peut en être autrement, si elle est juste. Une réponse retardée est une mauvaise réponse. La pensée, le sentiment et l’action doivent être unis et simultanés avec la situation qui les appelle.
V : Comment cela arrive-t-il ?
N.M : Je vous l’ai déjà dit. Trouvez celui qui était présent à votre naissance et qui sera témoin de votre mort.

V : Mon père et ma mère ?
N.M : Oui, votre père et votre mère, la source d’où vous venez. Pour résoudre un problème, vous devez remonter à sa source. Ce n’est qu’en dissolvant le problème dans les solvants universels que sont l’introspection et la sérénité que l’on peut trouver sa juste réponse.

Nisargadatta Maharaj

Extrait traduit pour www.meditations-avec-sri-Nisargadatta-Maharaj.com .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Je suis 16 – L’absence de désir

L’absence de désir, la plus haute félicité
Visiteur : J’ai rencontré de nombreuses personnes réalisées, mais jamais un homme libéré. Avez-vous rencontré un homme libéré, ou la libération signifie-t-elle, entre autres, l’abandon du corps ?
Nisargadatta Maharaj : Que voulez-vous dire par réalisation et libération ?
V : Par réalisation, j’entends une expérience merveilleuse de paix, de bonté et de beauté, lorsque le monde a un sens et qu’il existe une unité omniprésente de la substance et de l’essence. Bien qu’une telle expérience ne dure pas, elle ne peut être oubliée. Elle brille dans l’esprit, à la fois comme souvenir et comme désir. Je sais de quoi je parle, car j’ai vécu de telles expériences.
Par libération, j’entends être en permanence dans cet état merveilleux. Ce que je demande, c’est si la libération est compatible avec la survie du corps.
N.M : Qu’est-ce qui pose problème avec le corps ?
V : Le corps est si faible et si éphémère. Il crée des besoins et des envies. Il nous limite
gravement.
N.M : Et alors ? Que les expressions physiques soient limitées. Mais la libération est celle du soi par rapport à ses idées fausses et auto-imposées ; elle n’est pas contenue dans une expérience particulière, aussi glorieuse soit-elle.
V : Est-ce que cela dure éternellement ?
N.M : Toute expérience est limitée dans le temps. Tout ce qui a un début doit avoir une fin.

Q : Donc la libération, dans le sens où je l’entends, n’existe pas ?
N.M : Au contraire, on est toujours libre. Vous êtes à la fois conscient et libre d’être conscient. Personne ne peut vous enlever cela. Vous arrive-t-il de vous savoir inexistant, ou inconscient ?
V : Il se peut que je ne me souvienne pas, mais cela ne réfute pas le fait que je sois occasionnellement inconscient.
N.M : Pourquoi ne pas vous détourner de l’expérience pour vous tourner vers celui qui l’expérimente et réaliser la pleine portée de la seule déclaration vraie que vous puissiez faire : ” Je suis ” ?

V : Comment cela se fait-il ?

N.M : Il n’y a pas de “comment” ici. Gardez simplement à l’esprit le sentiment “Je suis”, fusionnez avec lui, jusqu’à ce que votre esprit et votre sentiment ne fassent qu’un. Par des tentatives répétées, vous parviendrez à trouver le juste équilibre entre l’attention et l’affection et votre esprit sera fermement établi dans la pensée-sentiment “Je suis”. Quoi que vous pensiez, disiez ou fassiez, ce sentiment d’être immuable et affectueux reste l’arrière-plan omniprésent de l’esprit.
V : Et vous appelez cela la libération ?
N.M : Je l’appelle état naturel. Qu’y a-t-il de mal à être, connaître et agir sans effort et avec bonheur ? Pourquoi considérer cela comme inhabituel au point de s’attendre à la destruction immédiate du corps ? Qu’est-ce qui ne va pas avec le corps pour qu’il doive mourir ? Corrigez votre attitude envers votre corps et laissez-le tranquille. Ne le dorlotez pas, ne le torturez pas. Continuez simplement à le faire fonctionner, la plupart du temps sous le seuil de l’attention consciente.
V : Le souvenir de mes merveilleuses expériences me hante. Je veux qu’elles reviennent.
N.M : Parce que vous voulez les récupérer, vous ne pouvez pas les avoir. L’état de désir de quoi que ce soit bloque toute expérience plus profonde. Rien de valable ne peut arriver à un esprit qui sait exactement ce qu’il veut. Car rien de ce que l’esprit peut visualiser et vouloir n’a beaucoup de valeur.
V : Alors qu’est-ce qui vaut la peine d’être désiré ?
N.M : Vouloir le meilleur. Le plus grand bonheur, la plus grande liberté. L’absence de désir est la plus grande félicité.
V : L’absence de désir n’est pas la liberté que je veux. Je veux la liberté de réaliser mes désirs.
N.M : Vous êtes libre de satisfaire vos désirs. En fait, vous ne faites rien d’autre.
V : J’essaie, mais il y a des obstacles qui me laissent frustré.
N.M : Surmontez-les.
V : Je ne peux pas, je suis trop faible.
N.M : Qu’est-ce qui vous rend faible ? Qu’est-ce que la faiblesse ? Les autres réalisent leurs désirs, pourquoi ne le faites-vous pas ?
V : Je dois manquer d’énergie.
N.M : Qu’est-il arrivé à votre énergie ? Où est-elle passée ? Ne l’avez-vous pas dispersée sur tant de désirs et de poursuites contradictoires ? Vous n’avez pas une réserve d’énergie infinie.
V : Pourquoi pas ?
N.M : Vos objectifs sont petits et modestes. Ils ne demandent pas plus. Seule l’énergie de Dieu est infinie – parce qu’Il ne veut rien pour Lui-même. Soyez comme Lui et tous vos désirs seront satisfaits. Plus vos objectifs sont élevés et plus vos désirs sont grands, plus vous aurez d’énergie pour les réaliser. Désirez le bien de tous et l’univers travaillera avec vous. Mais si vous voulez votre propre plaisir, vous devez le gagner à la dure. Avant de désirer, méritez.
V : Je suis engagé dans l’étude de la philosophie, de la sociologie et de l’éducation. Je pense qu’un développement mental plus important est nécessaire avant de pouvoir rêver de la réalisation de soi. Suis-je sur la bonne voie ?
N.M : Pour gagner sa vie, certaines connaissances spécialisées sont nécessaires. Les connaissances générales développent l’esprit, sans aucun doute. Mais si vous passez votre vie à amasser des connaissances, vous construisez un mur autour de vous. Pour aller au-delà du mental, un mental bien fourni n’est pas nécessaire.
V : Alors qu’est-ce qui est nécessaire ?
N.M : Méfiez-vous de votre mental, et allez au-delà.
V : Que vais-je trouver au-delà du mental ?
N.M : L’expérience directe d’être, de connaître et d’aimer.

V : Comment peut-on aller au-delà du mental ?
N.M : Il existe de nombreux points de départ – ils mènent tous au même but. Vous pouvez commencer par un travail désintéressé, en abandonnant les fruits de l’action ; vous pouvez ensuite renoncer à penser et finir par abandonner tous les désirs. Ici, le renoncement (tyaga) est le facteur opérationnel. Ou bien, vous pouvez ne pas vous préoccuper de ce que vous voulez, ou pensez, ou faites et rester simplement dans la pensée et le sentiment “Je suis”, en concentrant fermement “Je suis” dans votre esprit. Toutes sortes d’expériences peuvent se présenter à vous – restez immobile dans la connaissance que tout ce qui est perceptible est transitoire, et que seul le “je suis” perdure.
V : Je ne peux pas consacrer toute ma vie à de telles pratiques. J’ai des devoirs à accomplir.
N.M : Par tous les moyens, occupez-vous de vos devoirs. Les actions dans lesquelles vous n’êtes pas impliqué émotionnellement, qui sont bénéfiques et ne causent pas de souffrance, ne vous lieront pas. Vous pouvez être engagé dans plusieurs directions et travailler avec un zèle énorme, tout en restant intérieurement libre et tranquille, avec un esprit semblable à un miroir, qui reflète tout, sans être affecté.
V : Un tel état est-il réalisable ?
N.M : Je n’en parlerais pas, si ce n’était pas le cas. Pourquoi devrais-je m’engager dans des fantaisies ?
V : Tout le monde cite les écritures.
N.M : Ceux qui ne connaissent que les écritures ne connaissent rien. Savoir, c’est être. Je sais de quoi je parle ; ce n’est pas par lecture ou par ouï-dire.
V : J’étudie le sanskrit avec un professeur, mais en réalité je ne fais que lire les écritures. Je suis à la recherche de la réalisation du Soi et je suis venu pour obtenir les conseils nécessaires. Pouvez-vous me dire ce que je dois faire ?
N.M : Puisque vous avez lu les écritures, pourquoi me demandez-vous cela ?
V : Les écritures montrent les directions générales mais l’individu a besoin d’instructions personnelles.
N.M : Votre propre personne est votre professeur ultime (Sadguru). L’enseignant extérieur (Guru) n’est qu’une étape. C’est seulement votre professeur intérieur qui vous accompagnera jusqu’au but, car il est le but.
V : Le professeur intérieur n’est pas facile à atteindre.
N.M : Puisqu’il est en vous et avec vous, la difficulté ne peut être sérieuse. Regardez en vous, et vous le trouverez.
V : Lorsque je regarde en moi, je trouve des sensations et des perceptions, des pensées et des sentiments, des désirs et des peurs, des souvenirs et des attentes. Je suis immergé dans ce nuage et je ne vois rien d’autre.
N.M : Celui qui voit tout cela, et le rien aussi, est le maître intérieur. Lui seul est, tout le reste n’est qu’apparence. Il est votre propre moi (swarupa), votre espoir et votre assurance de liberté ; trouvez-le et accrochez-vous à lui et vous serez sauvé et en sécurité.
V : Je vous crois, mais lorsqu’il s’agit de trouver ce soi intérieur, je trouve que cela m’échappe.
N.M : L’idée “ça m’échappe”, d’où vient-elle ?

Q : Dans l’esprit.
N.M : Et qui connaît l’esprit ?
V : Le témoin de l’esprit connaît l’esprit.
N.M : Est-ce que quelqu’un est venu vous voir et vous a dit : “Je suis le témoin de votre esprit” ?

V : Bien sûr que non. Il n’aurait été qu’une autre idée dans l’esprit.

N.M : Alors qui est le témoin ?
V : C’est moi.
N.M : Donc, vous connaissez le témoin parce que vous êtes le témoin. Vous n’avez pas besoin de voir le témoin en face de vous. Là encore, être c’est connaître.
V : Oui, je vois que je suis le témoin, la conscience elle-même. Mais en quoi cela me profite-t-il ?

N.M : Quelle question ! Quel genre de bénéfice attendez-vous ? Savoir ce que vous êtes, n’est-ce pas suffisant ?
Q : A quoi sert la connaissance de soi ?
N.M : Elle vous aide à comprendre ce que vous n’êtes pas et vous préserve des idées, des désirs et des actions faux.
V : Si je ne suis que le témoin, quelle importance ont le bien et le mal ?
N.M : Ce qui vous aide à vous connaître est juste. Ce qui l’empêche est mauvais. Connaître son vrai soi est la félicité, l’oublier est la tristesse.
V : La conscience-témoin est-elle le vrai Soi ?
N.M : C’est le reflet du réel dans l’esprit (buddhi). Le réel est au-delà. Le témoin est la porte par laquelle vous passez au-delà.
V : Quel est le but de la méditation ?
N.M : Voir le faux comme le faux, c’est la méditation. Cela doit se faire en permanence.

V : On nous dit de méditer régulièrement.
N.M : L’exercice quotidien délibéré de discrimination entre le vrai et le faux et le renoncement au faux est la méditation. Il y a plusieurs sortes de méditation au départ, mais elles se fondent toutes finalement en une seule.
V : S’il vous plaît, dites-moi quel chemin vers la réalisation du Soi est le plus court.
N.M : Aucun chemin n’est court ou long, mais certaines personnes sont plus sérieuses et d’autres moins. Je peux vous parler de moi-même. J’étais un homme simple, mais je faisais confiance à mon Guru. Ce qu’il me disait de faire, je le faisais. Il m’a dit de me concentrer sur “Je suis” – je l’ai fait. Il m’a dit que je suis au-delà de tout ce qui est perceptible et concevable – j’y ai cru. Je lui ai donné mon cœur et mon âme, toute mon attention et la totalité de mon temps libre (je devais travailler pour faire vivre ma famille). Grâce à la foi et à une application sérieuse, j’ai réalisé mon essence (swarupa) en trois ans.
Vous pouvez choisir la méthode qui vous convient ; votre sérieux déterminera le rythme de vos progrès.
V : Un conseil qui me soit adressé ?
N.M : Établissez-vous fermement dans la conscience de “Je suis”. C’est le début et aussi la fin de tout effort.

Extrait traduit pour www.meditations-avec-sri-Nisargadatta-Maharaj.com .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Je Suis 15 – Le Jnani

Le Jnani
Visiteur : Sans le pouvoir de Dieu, rien ne peut être fait. Même vous ne seriez pas assis ici
et ne nous parleriez pas sans Lui.
Nisargadatta Maharaj : Tout est de Sa faute, sans aucun doute. Qu’est-ce que cela peut me faire, puisque je ne veux rien ? Que peut me donner ou me reprendre Dieu ? Ce qui est à moi est à moi et était à moi même lorsque Dieu n’était pas là. Bien sûr, il s’agit d’une toute petite chose, d’un grain de sable – le sentiment “je suis”, le fait d’être. Cet endroit m’appartient, personne ne me l’a donné. La terre est à moi, ce qui pousse dessus est à Dieu.
V : Dieu vous a-t-il pris la terre en location ?
N.M : Dieu est mon dévot et a fait tout cela pour moi.
V : N’y a-t-il pas de Dieu en dehors de vous ?
N.M : Comment cela serait-il possible ? Le “je suis” est la racine, Dieu est l’arbre. Qui dois-je vénérer, et pour quoi faire ?
V : Êtes-vous le dévot ou l’objet de la dévotion ?
N.M : Je ne suis ni l’un ni l’autre, je suis la dévotion elle-même.
V : Il n’y a pas assez de dévotion dans le monde.
N.M : Vous êtes toujours à la recherche de l’amélioration du monde. Croyez-vous vraiment que le monde attend que vous soyez sauvé ?
V : Je ne sais pas ce que je peux faire pour le monde. Tout ce que je peux faire, c’est d’essayer. Y a-t-il autre chose que vous voudriez que je fasse ?
N.M : Sans vous, le monde existe-t-il ? Vous savez tout sur le monde, mais sur vous-même vous ne savez rien. Vous êtes vous-même les outils de votre travail, vous n’avez pas d’autres outils. Pourquoi ne vous occupez-vous pas de vos outils avant de penser à votre travail ?
V : Je peux attendre, alors que le monde ne le peut pas.
N.M : En ne vous informant pas, vous faites attendre le monde.

V : Attendre quoi ?
N.M : De quelqu’un qui puisse le sauver.

V : Dieu dirige le monde, Dieu le sauvera.
N.M : C’est ce que vous dites ! Dieu est-il venu vous dire que le monde est sa création et sa préoccupation et non la vôtre ?
et sa préoccupation et non la vôtre ?
v : Pourquoi devrait-il être ma seule préoccupation ?
N.M : Réfléchissez. Le monde dans lequel vous vivez, qui d’autre le connaît ?
V : Vous le savez. Tout le monde le sait.
N.M : Quelqu’un est-il venu de l’extérieur de votre monde pour vous le dire ? Moi-même et tous les autres apparaissons et disparaissons dans votre monde. Nous sommes tous à votre merci.
V : Cela ne peut pas être si grave ! J’existe dans votre monde comme vous existez dans le mien.
N.M : Vous n’avez aucune preuve de l’existence de mon monde. Vous êtes complètement enveloppé dans le monde que vous avez créé de votre propre création.
V : Je vois. Complètement, mais – sans espoir ?
N.M : Dans la prison de votre monde apparaît un homme qui vous dit que le monde de contradictions douloureuses, que vous avez créé, n’est ni continu ni permanent et qu’il est basé sur une mauvaise compréhension. Il vous supplie d’en sortir, de la même façon que vous y êtes entrés. Vous y êtes entré en oubliant ce que vous êtes et vous en sortirez en vous connaissant tel que vous êtes.
V : De quelle manière cela affecte-t-il le monde ?
N.M : Lorsque vous êtes libre du monde, vous pouvez faire quelque chose à son sujet. Tant que vous en êtes prisonnier, vous êtes impuissant à le changer. Au contraire, quoi que vous fassiez, vous aggraverez la situation.
V : La justice me rendra libre.
N.M : La droiture fera sans aucun doute de vous et de votre monde un endroit confortable, voire heureux.
un endroit confortable, voire heureux. Mais à quoi cela sert-il ? Il n’y a pas de réalité en elle. Elle ne peut pas durer.

V : Dieu vous aidera.
N.M : Pour vous aider, Dieu doit connaître votre existence. Mais vous et votre monde êtes des états de rêve. Dans le rêve, vous pouvez souffrir d’agonies. Personne ne les connaît, et personne ne peut vous aider.
V : Alors toutes mes questions, mes recherches et mes études ne servent à rien ?

N.M : Ce ne sont que les remous d’un homme qui est fatigué de dormir. Ce ne sont pas les causes du réveil, mais ses premiers signes. Mais, vous ne devez pas poser des questions oiseuses, auxquelles vous connaissez déjà les réponses.
V : Comment puis-je obtenir une vraie réponse ?
N.M : En posant une vraie question – non verbalement, mais en osant vivre selon vos lumières.
Un homme prêt à mourir pour la vérité l’obtiendra.
V : Une autre question. Il y a la personne. Il y a celui qui connaît la personne. Il y a le témoin. Le connaisseur et le témoin sont-ils la même chose, ou sont-ils des états séparés ?
N.M : Le connaisseur et le témoin sont deux ou un ? Lorsque le connaisseur est considéré comme séparé du connu, le témoin est seul. Lorsque le connu et le connaisseur sont considérés comme un, le témoin devient un avec eux.
V : Qui est le Jnani ? Le témoin ou le suprême ?
N.M : Le Jnani est le suprême et aussi le témoin. Il est à la fois l’être et la conscience. Par rapport à la conscience identifiée, il est pure Présence. Par rapport à l’univers, il est l’être pur.
V : Et qu’en est-il de la personne ? Qu’est-ce qui vient en premier, la personne ou le connaisseur ?
N.M : La personne est une toute petite chose. En fait, elle est un composite, on ne peut pas dire qu’elle existe par elle-même. Non perçue, elle n’est tout simplement pas là. Elle n’est que l’ombre de l’esprit, la somme totale des souvenirs. L’être pur se reflète dans le miroir du mental, en tant que savoir. Par rapport à l’univers, il est l’être pur.
V : Et qu’en est-il de la personne ? Qu’est-ce qui vient en premier, la personne ou le connaisseur ?
N.M : La personne est une toute petite chose. En fait, elle est un composite, on ne peut pas dire qu’elle existe par elle-même. Non perçue, elle n’est tout simplement pas là. Elle n’est que l’ombre de l’esprit, la somme totale des souvenirs. L’être pur se reflète dans le miroir de l’esprit, en tant que savoir. Ce qui est connu prend la forme d’une personne, basée sur la mémoire et l’habitude. Ce n’est qu’une ombre, ou une projection du connaisseur sur l’écran de l’esprit.
V : Le miroir est là, le reflet est là. Mais où est le soleil ?
N.M : Le suprême est le soleil.
V : Il doit être conscient.
N.M : Il n’est ni conscient ni inconscient. N’y pensez pas en termes de conscience ou d’inconscience. C’est la vie, qui contient les deux et qui est au-delà des deux.
V : La vie est si intelligente. Comment peut-elle être inconsciente ?
N.M : Vous parlez d’inconscient lorsqu’il y a un trou de mémoire. En réalité, il n’y a que
conscience. Toute vie est consciente, toute conscience – vivante.

V : Même les pierres ?

N.M : Même les pierres sont conscientes et vivantes.
V : Mon problème, c’est que j’ai tendance à nier l’existence de ce que je ne peux pas imaginer.
N.M : Vous seriez plus sage de nier l’existence de ce que vous imaginez. C’est l’imaginé qui est irréel.
V : Est-ce que tout ce qui est imaginable est irréel ?
N.M : L’imagination basée sur les souvenirs est irréelle. Le futur n’est pas entièrement irréel.

V : Quelle partie du futur est réelle et quelle partie ne l’est pas ?
N.M : L’inattendu et l’imprévisible sont réels.

Extrait traduit pour www.meditations-avec-sri-Nisargadatta-Maharaj.com .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Je Suis 14 – Les apparences et la réalité

maya nisargadatta maharaj

Les apparences et la réalité
Visiteur : Vous avez dit à plusieurs reprises que les événements sont sans cause, qu’une chose se produit simplement et qu’aucune cause ne peut lui être attribuée. Il est certain que tout a une cause, ou plusieurs causes. Comment dois-je comprendre l’absence de cause des choses ?
Nisargadatta Maharaj : Du point de vue le plus élevé, le monde n’a pas de cause.

V : Mais quelle est votre propre expérience ?
N.M : Tout est sans cause. Le monde n’a pas de cause.
V : Je ne m’interroge pas sur les causes qui ont conduit à la création du monde. Qui a vu la création du monde ? Il se peut même qu’il soit sans commencement, qu’il existe depuis toujours. Mais je ne parle pas du monde. Je considère que le monde existe – d’une manière ou d’une autre. Il contient tant de choses. Il est certain que chacune d’entre elles doit avoir une cause, ou plusieurs causes.
N.M : Une fois que vous vous créez un monde dans le temps et l’espace, régi par la causalité, vous êtes obligé de chercher et de trouver des causes à tout. Vous posez la question et imposez une réponse.
V : Ma question est très simple : Je vois toutes sortes de choses et je comprends que chacune doit avoir une cause, ou un certain nombre de causes. Vous dites qu’elles ne sont pas causées – de votre point de vue. Mais, pour vous, rien n’a d’être et, par conséquent, la question de la causalité ne se pose pas. Pourtant, vous semblez admettre l’existence des choses, mais leur refuser toute causalité. C’est ce que je ne parviens pas à comprendre. Une fois que vous acceptez l’existence des choses, pourquoi rejeter leurs causes ?
N.M : Je ne vois que la conscience, et je sais que tout n’est que conscience, comme vous savez que l’image sur l’écran de cinéma n’est que lumière.
V : Pourtant, les mouvements de la lumière ont une cause.
N.M : La lumière ne bouge pas du tout. Vous savez très bien que le mouvement est illusoire, une suite d’interceptions et de colorations dans le film. Ce qui bouge, c’est le film – qui est l’esprit.
V : Cela ne rend pas l’image sans cause. Le film est là, et les acteurs avec les techniciens, le réalisateur, le producteur, les différents fabricants. Le monde est régi par la causalité. Tout est lié.
N.M : Bien sûr, tout est lié. Et donc tout a des causes innombrables. L’univers entier contribue à la moindre chose. Une chose est comme elle est, parce que le monde est comme il est. Vous voyez, vous vous occupez des ornements en or et moi – de l’or. Entre les différents ornements il n’y a pas de relation de cause à effet. Lorsque vous refondez un ornement pour en fabriquer un autre, il n’y a pas de relation de cause à effet entre les deux. Le facteur commun est l’or. Mais vous ne pouvez pas dire que l’or est la cause. On ne peut pas l’appeler une cause, car il ne cause rien par lui-même. Il est reflété dans l’esprit comme “je suis”, comme le nom et la forme particulière de l’ornement. Pourtant, tout n’est que de l’or. De la même manière, la réalité rend tout possible et pourtant rien de ce qui fait qu’une chose est ce qu’elle est, son nom et sa forme, ne provient de la réalité.
Mais pourquoi s’inquiéter autant de la causalité ? Quelle importance ont les causes, alors que les choses elles-mêmes sont éphémères ? Laissez venir ce qui vient et laissez partir ce qui va – pourquoi s’accrocher aux choses et s’enquérir de leurs causes ?
V : Du point de vue relatif, tout doit avoir une cause.
N.M : A quoi vous sert le point de vue relatif ? Vous êtes capable de regarder du point de vue absolu.
pourquoi revenir au point de vue relatif ? Avez-vous peur de l’absolu ?
V : J’ai peur. J’ai peur de m’endormir sur mes soi-disant certitudes absolues. Pour mener une vie décente, les absolus ne sont d’aucune utilité. Quand vous avez besoin d’une chemise, vous achetez du tissu, vous appelez un tailleur et ainsi de suite.
N.M : Toutes ces paroles montrent l’ignorance.
V : Et quel est le point de vue du connaisseur ?
N.M : Il n’y a que la lumière et la lumière est tout. Tout le reste n’est qu’une image faite de lumière. L’image est dans la lumière et la lumière est dans l’image. Vie et mort, soi et non-soi – abandonnez toutes ces idées. Elles ne vous sont d’aucune utilité.
V : De quel point de vue niez-vous la causalité ? Du point de vue relatif – l’univers est la cause de tout. Du point de vue absolu – il n’y a rien du tout.
N.M : Depuis quel état demandez-vous ?
V : Depuis l’état de veille quotidien, dans lequel seulement toutes ces discussions ont lieu.
N.M : Dans l’état de veille, tous ces problèmes surgissent, car telle est sa nature. Mais vous n’êtes pas toujours dans cet état. Que pouvez-vous faire de bien dans un état dans lequel vous tombez et dont vous sortez, impuissant. En quoi cela vous aide-t-il de savoir que les choses sont liées de manière causale – comme elles peuvent sembler l’être dans votre état de veille ?
V : Le monde et l’état de veille émergent et disparaissent ensemble.
N.M : Lorsque l’esprit est immobile, absolument silencieux, l’état de veille n’existe plus.
V : Des mots comme Dieu, l’univers, le total, l’absolu, le suprême ne sont que des bruits dans l’air, car aucune action ne peut être entreprise sur eux.
N.M : Vous soulevez des questions auxquelles vous seul pouvez répondre.
V : Ne me repousse pas comme ça ! Vous êtes si prompt à parler au nom de la totalité, de l’univers et de choses aussi imaginaires ! Ils ne peuvent pas venir et vous interdire de parler en leur nom. Je déteste ces généralisations irresponsables ! Et vous êtes si enclin à les personnaliser. Sans causalité, il n’y aura pas d’ordre, ni d’action intentionnelle possible.
N.M : Voulez-vous connaître toutes les causes de chaque événement ? Est-ce possible ?
V : Je sais que ce n’est pas possible ! Tout ce que je veux savoir, c’est qu’il y a des causes pour tout et que les causes peuvent être influencées, affectant ainsi le résultat.
causes peuvent être influencées, affectant ainsi les événements ?
N.M : Pour influencer les événements, il n’est pas nécessaire de connaître les causes. Quelle façon détournée de faire les choses ! N’êtes-vous pas la source et la fin de chaque événement ? Contrôlez-le à la source même.
V : Chaque matin, je prends le journal et je lis avec consternation que les douleurs du monde – la pauvreté, la haine et les guerres – se poursuivent sans relâche. Mes questions concernent le fait de la tristesse, la cause, le remède. Ne me balayez pas en disant que c’est le bouddhisme ! Ne me collez pas d’étiquette. Votre insistance sur l’absence de cause élimine tout espoir que le monde change un jour.
N.M : Vous êtes confus, car vous croyez que vous êtes dans le monde, et non le monde en vous. Qui est venu en premier – vous ou vos parents ? Vous vous imaginez que vous êtes né à un certain moment et à un certain endroit, que vous avez un père et une mère, un corps et un nom. C’est là votre péché et votre calamité ! Vous pouvez certainement changer votre monde si vous y travaillez. Par tous les moyens, travaillez. Qui vous en empêche ? Je ne vous ai jamais découragés. Causes ou pas, vous avez fait ce monde et vous pouvez le changer.
V : Un monde sans cause est entièrement hors de mon contrôle.
N.M : Au contraire, un monde dont vous êtes la seule source et le seul fondement est entièrement en votre pouvoir pour le changer. Ce qui est créé peut toujours être dissous et recréé. Tout se passera comme vous le voulez, à condition que vous le vouliez vraiment.
V : Tout ce que je veux savoir, c’est comment faire face aux chagrins du monde.
N.M : Vous les avez créés à partir de vos propres désirs et peurs, vous les gérez. Tout est dû au fait que vous avez oublié votre propre être. Ayant donné une réalité à l’image sur l’écran, vous aimez ses habitants et souffrez pour eux et cherchez à les sauver. Il n’en est rien. Vous devez commencer par vous-même. Il n’y a pas d’autre moyen. Travailler, bien sûr. Il n’y a pas de mal à travailler.
V : Votre univers semble contenir toutes les expériences possibles. L’individu y trace une ligne et connaît des états agréables et désagréables. Cela donne lieu à des interrogations et à la recherche, qui élargissent les perspectives et permettent à l’individu d’aller au-delà de son monde étroit, limité et égocentrique. Ce monde personnel peut être changé – avec le temps. L’univers est intemporel et parfait.
N.M : Prendre l’apparence pour la réalité est un péché grave et la cause de toutes les calamités. Vous êtes la conscience omniprésente, éternelle et infiniment créative – la conscience. Tout le reste est local et temporaire. N’oubliez pas ce que vous êtes. En attendant, travaillez à votre guise. Le travail et la connaissance doivent aller de pair.
V : J’ai le sentiment que mon développement spirituel n’est pas entre mes mains. Faire ses propres plans et les mettre en œuvre ne mène nulle part. Je ne fais que tourner en rond autour de moi-même. Lorsque Dieu considère que le fruit est mûr, il le cueille et le mange. Le fruit qui lui semble vert restera sur l’arbre du monde pour un autre jour.
N.M : Vous pensez que Dieu vous connaît ? Même le monde, Il ne le connaît pas.
V : Votre Dieu est différent. Le mien est différent. Le mien est miséricordieux. Il souffre avec nous.
N.M : Vous priez pour en sauver un, alors que des milliers meurent. Et si tous cessent de mourir, il n’y aura plus de place sur terre.
V : Je n’ai pas peur de la mort. Ce qui m’inquiète, c’est le chagrin et la souffrance. Mon Dieu est un Dieu simple et plutôt impuissant. Il n’a pas le pouvoir de nous obliger à être sages. Il ne peut que rester là et attendre.
N.M : Si vous et votre Dieu êtes tous deux impuissants, cela n’implique-t-il pas que le monde est accidentel ? Et si c’est le cas, la seule chose que vous pouvez faire est de le dépasser.

Extrait traduit pour www.meditations-avec-sri-Nisargadatta-Maharaj.com .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Je suis 13 – Le Suprême, l’esprit et le corps.

Le Suprême

Le Suprême, l’esprit et le corps

Visiteur : D’après ce que vous nous avez dit, il semble que vous ne soyez pas tout à fait conscient de votre environnement. Vous nous semblez extrêmement alerte et actif. Nous ne pouvons pas croire que vous êtes dans une sorte d’état hypnotique, qui ne laisse aucun souvenir derrière lui. Au contraire, votre mémoire semble excellente. Comment devons-nous comprendre votre déclaration selon laquelle le monde et tout ce qu’il comprend n’existe pas, en ce qui vous concerne ?
Nisargadatta Maharaj : C’est une question de concentration. Votre esprit est focalisé sur le monde, le mien est focalisé sur la réalité. C’est comme la lune en plein jour – quand le soleil brille, la lune est à peine visible. Ou bien, regardez comment vous prenez votre nourriture. Tant qu’elle est dans votre bouche, vous en êtes conscient ; une fois avalée, elle ne vous concerne plus. Il serait gênant de l’avoir constamment à l’esprit jusqu’à ce qu’il soit éliminé. Le mental devrait être normalement en suspens – une activité incessante est un état morbide. L’univers fonctionne de lui-même – ça, je le sais. Que dois-je savoir d’autre ?
V : Donc, un Jnani ne sait ce qu’il fait que lorsqu’il y consacre son esprit ; sinon, il agit simplement, sans se sentir concerné.
N.M : L’être humain ordinaire n’est pas conscient de son corps en tant que tel. Il est conscient de ses sensations, de ses sentiments et de ses pensées. Même celles-ci, une fois que le détachement s’installe, s’éloignent du centre de la conscience et se produisent spontanément et sans effort.
V : Qu’y a-t-il donc au centre de la conscience ?
N.M : Ce à quoi on ne peut donner de nom ni de forme, car c’est sans qualité et au-delà de la conscience. Vous pouvez dire que c’est un point dans la conscience, qui est au-delà de la conscience. De même qu’un trou dans le papier est à la fois dans le papier et pourtant pas du papier, de même l’état suprême est au centre même de la conscience, et pourtant au-delà de la conscience. C’est comme une ouverture dans l’esprit à travers laquelle l’esprit est inondé de lumière. L’ouverture n’est même pas la lumière. C’est juste une ouverture.
V : Une ouverture n’est que vide, absence.
N.M : Tout à fait. Du point de vue du mental, ce n’est qu’une ouverture permettant à la lumière de la conscience d’entrer dans l’espace mental. Par elle-même, la lumière ne peut être comparée qu’à une masse solide, dense, rocheuse, homogène et immuable de pure conscience, libre des modèles mentaux de nom et de forme.
V : Existe-t-il un lien entre l’espace mental et la demeure suprême?
N.M : Le suprême donne l’existence au mental. L’esprit donne l’existence au corps.
V : Et qu’y a-t-il au-delà ?
N.M : Prenons un exemple. Un vénérable Yogi, maître dans l’art de la longévité, lui-même âgé de plus de 1000 ans, vient m’enseigner son art. Je respecte pleinement et j’admire sincèrement ses réalisations, mais tout ce que je peux lui dire, c’est : à quoi me sert la longévité ? Je suis au-delà du temps. Aussi longue que soit une vie, elle n’est qu’un instant et un rêve. De la même manière, je suis au-delà de tous les attributs. Ils apparaissent et disparaissent dans ma lumière, mais ne peuvent me décrire. L’univers n’est que noms et formes, basés sur des qualités et leurs différences, alors que je suis au-delà. Le monde est là parce que je suis, mais je ne suis pas le monde.
V : Mais vous vivez dans le monde !
N.M : C’est ce que vous dites ! Je sais qu’il y a un monde, qui inclut ce corps et cet esprit, mais je ne les considère pas comme étant plus “miens” que les autres esprits et corps. Ils sont là, dans le temps et l’espace, mais je suis intemporel et sans espace.
V : Mais puisque tout existe par votre lumière, n’êtes-vous pas le créateur du monde ?
N.M : Je ne suis ni la potentialité, ni l’actualisation, ni l’actualité des choses. Dans ma lumière, elles vont et viennent comme les grains de poussière qui dansent dans le rayon de soleil. La lumière éclaire les grains de poussière, mais ne dépend pas d’eux. On ne peut pas dire non plus qu’elle les crée. On ne peut même pas dire qu’elle les connaît.
V : Je vous pose une question et vous répondez. Etes-vous conscient de la question et de la réponse ?
N.M : En réalité, je n’entends ni ne réponds. Dans le monde des événements, la question arrive et la réponse arrive. Rien ne m’arrive. Tout arrive, tout simplement.
V : Et vous êtes le témoin ?
N.M : Que signifie “témoin” ? Une simple connaissance. Il a plu et maintenant la pluie est finie. Je n’ai pas été
Je n’ai pas été mouillé. Je sais qu’il a plu, mais je ne suis pas affecté. J’ai simplement été témoin de la pluie.
V : L’homme pleinement réalisé, qui demeure spontanément dans l’état suprême, semble manger, boire et ainsi de suite. En est-il conscient, ou non ?
N.M : Ce dans quoi la conscience se produit, la conscience ou le mental universel, nous l’appelons l’éther de la conscience. Tous les objets de la conscience forment l’univers. Ce qui est au-delà des deux, qui supporte les deux, c’est l’état suprême, un état d’immobilité et de silence total. Quiconque s’y rend, disparaît. Il est inaccessible par les mots ou le mental. Vous pouvez l’appeler Dieu, ou Parabrahman, ou Réalité Suprême, mais ce sont des noms donnés par le mental. C’est l’état sans nom, sans contenu, sans effort et spontané, au-delà de l’être et du non-être.
V : Mais reste-t-on conscient ?
N.M : De même que l’univers est le corps du mental, de même la conscience est le corps du suprême. Elle n’est pas consciente, mais elle donne naissance à la conscience.
V : Dans mes actions quotidiennes, beaucoup de choses se passent par habitude, automatiquement. Je suis conscient de l’objectif général, mais pas de chaque mouvement en détail. À mesure que ma conscience s’élargit et s’approfondit, les détails tendent à s’effacer, me laissant libre pour les tendances générales. N’en est-il pas de même pour un Jnani, mais plus encore ?
N.M : Au niveau de la conscience – oui. Dans l’état suprême, non. Cet état est entièrement un et indivisible, un seul bloc solide de réalité. La seule façon de le connaître est de l’être. L’esprit ne peut l’atteindre. Pour le percevoir, les sens ne sont pas nécessaires ; pour le connaître, le mental n’est pas nécessaire.
V : C’est ainsi que Dieu dirige le monde.

N.M : Dieu ne dirige pas le monde.

V : Alors qui le fait ?
N.M : Personne. Tout se passe par lui-même. Vous posez la question et vous fournissez la réponse. Et vous connaissez la réponse quand vous posez la question. Tout est un jeu dans la conscience. Toutes les divisions sont illusoires. Vous ne pouvez connaître que le faux. Le vrai, vous devez l’être vous-même.
V : Il y a la conscience observé et la conscience observante. La seconde est-elle la suprême ?
N.M : Il y a les deux – la personne et le témoin, l’observateur. Lorsque vous les voyez comme un seul être et que vous allez au-delà, vous êtes dans l’état suprême. Il n’est pas perceptible, car c’est ce qui rend la perception possible. Il est au-delà de l’être et du non-être. Il n’est ni le miroir ni l’image dans le miroir. C’est ce qui est – la réalité intemporelle, incroyablement dure et solide.
V : Le Jnani – est-il le témoin ou le Suprême ?
N.M : Il est le Suprême, bien sûr, mais il peut aussi être considéré comme le témoin universel.

V : Mais il reste une personne ?
N.M : Lorsque vous croyez être une personne, vous voyez des personnes partout. En réalité, il n’y a pas de personnes, seulement des fils de souvenirs et d’habitudes. Au moment de la réalisation, la personne cesse d’exister. L’identité demeure, mais l’identité n’est pas une personne, elle est inhérente à la réalité elle-même. La personne n’a pas d’être en elle-même ; elle est un reflet dans l’esprit du témoin, le “je suis”, qui est encore une fois un mode d’être.
V : Le Suprême est-il conscient ?
N.M : Ni conscient ni inconscient, je vous le dis par expérience.

V : Pragnanam Brahma. Qu’est-ce que ce Pragna ?
N.M : C’est la connaissance non auto-consciente de la vie elle-même.
V : Est-ce la vitalité, l’énergie de la vie, la vivacité ?
N.M : L’énergie vient en premier. Car tout est une forme d’énergie. La conscience est plus différenciée à l’état de veille. Elle l’est moins dans le rêve. Encore moins dans le sommeil. Homogène – dans le quatrième état. Au-delà se trouve la réalité monolithique inexprimable, la demeure du Jnani.
V : Je me suis coupé la main. Elle a guéri. Par quel pouvoir a-t-elle guéri ?

N.M : Par le pouvoir de la vie.
V : Quelle est cette force ?
N.M : C’est la conscience. Tout est conscient.
V : Quelle est la source de la conscience ?
N.M : La conscience elle-même est la source de tout. Q : Peut-il y avoir de la vie sans conscience ?
N.M : Non, ni de conscience sans vie. Les deux sont un. Mais en réalité, seul l’Ultime existe. Le reste n’est qu’une question de nom et de forme. Et tant que vous vous accrocherez à l’idée que seul ce qui a un nom et une forme existe, le Suprême vous paraîtra inexistant. Lorsque vous comprendrez que les noms et les formes sont des coquilles creuses sans aucun contenu, et que ce qui est réel est sans nom et sans forme, pure énergie de vie et lumière de conscience, vous serez en paix – immergé dans le profond silence de la réalité.
V : Si le temps et l’espace ne sont que des illusions et que vous êtes au-delà, dites-moi quel temps il fait à New York. Fait-il chaud ou pleut-il ?
N.M : Comment puis-je vous le dire ? De telles choses nécessitent une formation spéciale. Ou alors, il suffit de voyager à New York. Je peux être tout à fait certain que je suis au-delà du temps et de l’espace, et pourtant incapable de me situer à volonté en un point quelconque du temps et de l’espace. Je ne suis pas assez intéressé, je ne vois pas l’intérêt de suivre une formation yogique spéciale. Je viens d’entendre parler de New York. Pour moi, c’est un mot. Pourquoi devrais-je en savoir plus que ce que le mot transmet ? Chaque atome peut être un univers, aussi complexe que le nôtre. Dois-je les connaître tous ? Je le peux – si je m’entraîne.
V : En posant la question sur le temps qu’il fait à New York, où ai-je fait l’erreur ?
N.M : Le monde et l’esprit sont des états d’être. Le suprême n’est pas un état. Il imprègne tous les états, mais il n’est pas un état de quelque chose d’autre. Il est entièrement non causé, indépendant, complet en lui-même, au-delà du temps et de l’espace, du mental et de la matière.
V : A quel signe le reconnaissez-vous ?
N.M : C’est justement qu’elle ne laisse aucune trace. Il n’y a rien à quoi la reconnaître. Il faut la voir directement, en abandonnant toute recherche de signes et d’approches. Lorsque tous les noms et toutes les formes ont été abandonnés, le réel est avec vous. Vous n’avez pas besoin de le chercher. La pluralité et la diversité ne sont que le jeu de l’esprit. La Réalité est une.
V : Si la Réalité ne laisse aucune preuve, il est impossible d’en parler.
N.M : Elle existe. Elle ne peut être niée. Elle est profonde et inaccessible, un mystère au-delà du mystère. Mais elle est, alors que tout le reste ne fait qu’arriver.

V : Est-ce l’Inconnu ?
N.M : C’est au-delà des deux, le connu et l’inconnu. Mais je préfère l’appeler le connu, plutôt que l’inconnu. Car chaque fois que quelque chose est connu, c’est le réel qui est connu.
V : Le silence est-il un attribut du réel ?
N.M : Cela aussi est du ressort de l’esprit. Tous les états et conditions sont de l’esprit.
V : Quelle est la place du samadhi ?
N.M : Ne pas faire usage de sa conscience est le samadhi. Vous laissez votre esprit tranquille. Vous ne voulez rien, ni de votre corps, ni de votre esprit.

Nisargadatta Maharaj

Extrait traduit pour www.meditations-avec-sri-Nisargadatta-Maharaj.com .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Je suis 12 – La personne n’est pas la réalité

Nisargadatta Maharaj réalisation

Chapitre 12 – La personne n’est pas la réalité

Visiteur : Veuillez nous dire comment vous avez réalisé votre véritable nature. Nisargadatta Maharaj : J’ai rencontré mon Guru à 34 ans et j’ai réalisé ma véritable nature à 37 ans.

Visiteur : Que s’est-il passé ? Quel a été le changement ?

N.M : Le plaisir et la douleur ont perdu leur emprise sur moi. J’étais libéré du désir et de la peur. Je me suis retrouvé rassasié, n’ayant besoin de rien. J’ai vu que dans l’océan de la pure Conscience, à la surface de la Conscience universelle, les innombrables vagues des mondes phénoménaux surgissent et s’apaisent sans commencement et sans fin. En tant que Conscience, ils sont tous moi. En tant qu’événements, ils sont tous à moi. Il y a une puissance mystérieuse qui veille sur eux. Cette puissance est la Conscience, le Soi, la Vie, Dieu, quel que soit le nom que vous lui donnez. C’est le fondement, le support ultime de tout ce qui est, tout comme l’or est la base de tous les bijoux en or. Et il est si intimement nôtre ! Enlevez le nom et la forme du bijou et l’or devient évident. Libérez-vous du nom et de la forme, ainsi que des désirs et des peurs qu’ils créent, alors que reste-t-il ?
V : Le néant ( Rien)
N;M : Oui, le vide demeure. Mais le vide est plein à ras bord. Il est l’éternel potentiel comme la conscience est l’éternel actuel.
V : Par potentiel, vous entendez le futur ?
N.M : Le passé, le présent et le futur – ils sont tous là. Et infiniment plus.
V : Mais comme le vide est vide, il ne nous est pas d’une grande utilité.
N.M : Comment pouvez-vous dire cela ? Sans rupture de continuité, comment peut-il y avoir renaissance ? Peut-il y avoir un renouveau sans mort ? Même l’obscurité du sommeil est rafraîchissante et rajeunissante. Sans la mort, nous serions enlisés pour toujours dans une sénilité éternelle.
V : L’immortalité n’existe-t-elle pas ?
N.M : Lorsque la vie et la mort sont considérées comme essentielles l’une à l’autre, comme deux aspects d’un seul être, c’est l’immortalité. Voir la fin dans le commencement et le commencement dans la fin, c’est comprendre l’éternité. Définitivement, l’immortalité n’est pas la continuité. Seul le processus de changement se poursuit. Rien ne dure.
V : La conscience perdure-t-elle ?

N.M : La Conscience n’est pas faite de temps. Le temps n’existe que dans la Conscience. Au-delà de la conscience, où sont le temps et l’espace ?
V : Dans le champ de votre conscience, il y a aussi votre corps.
N.M : Bien sûr. Mais l’idée de ” mon corps “, différent des autres corps, n’existe pas. Pour moi, c’est “un corps”, pas “mon corps”, “un esprit”, pas “mon esprit”. L’esprit s’occupe bien du corps, je n’ai pas besoin d’interférer. Ce qui doit être fait est fait, de manière normale et naturelle.
Vous n’êtes peut-être pas tout à fait conscient de vos fonctions physiologiques, mais lorsqu’il s’agit de vos pensées et de vos sentiments, de vos désirs et de vos craintes, vous devenez extrêmement conscient de vous-même. Pour moi aussi, ils sont en grande partie inconscients. Je me surprends à parler aux gens, ou à faire des choses tout à fait correctes et appropriées, sans en être vraiment conscient. C’est comme si je vivais ma vie physique éveillée de manière automatique, en réagissant de manière spontanée et précise.
V : Cette réaction spontanée résulte-t-elle d’une prise de conscience ou d’un entraînement ?
N.M : Les deux. La dévotion à votre but vous fait vivre une vie propre et ordonnée, consacrée à la recherche de la vérité et à l’aide aux gens, et la réalisation rend la noble vertu facile et spontanée, en éliminant définitivement les obstacles que sont les désirs, les peurs et les idées fausses.
V : Vous n’avez plus de désirs et de peurs ?
N.M : Mon destin était de naître comme un homme simple, un roturier, un humble commerçant, avec peu d’éducation formelle. Ma vie était ordinaire, avec des désirs et des craintes ordinaires. Lorsque, par ma foi en mon maître et mon obéissance à ses paroles, j’ai réalisé mon véritable être, j’ai laissé ma nature humaine s’occuper d’elle-même, jusqu’à ce que son destin soit épuisé. De temps en temps, une vieille réaction, émotionnelle ou mentale, se produit dans l’esprit, mais elle est aussitôt remarquée et écartée. Après tout, tant qu’on est chargé d’une personne, on est exposé à ses singularités et à ses habitudes.
V : N’avez-vous pas peur de la mort ?
N.M : Je suis déjà mort.
V : Dans quel sens ?
N.M : Je suis doublement mort. Je ne suis pas seulement mort à mon corps, mais aussi à mon esprit.

V : Eh bien, vous n’avez pas l’air mort du tout !
N.M : C’est ce que vous dites ! Vous semblez connaître mon état mieux que moi !
V : Je suis désolé. Mais je ne comprends pas. Vous dites que vous êtes sans corps et sans esprit, alors que je vous vois très vivant et communicatif.

N.M : Un travail extrêmement complexe se déroule en permanence dans votre cerveau et votre corps, en êtes-vous conscient ? Je n’en suis pas du tout conscient. Pourtant, pour un observateur extérieur, tout semble se dérouler de manière intelligente et délibérée. Pourquoi ne pas admettre que toute sa vie personnelle peut passer largement sous le seuil de la conscience et pourtant se dérouler de façon saine et harmonieuse ?
V : Est-ce normal ?
N.M : Qu’est-ce qui est normal ? Votre vie – obsédée par vos désirs et vos peurs, pleine de conflits et de luttes, dénuée de sens et de joie – est-elle normale ? Avoir une conscience aiguë de son corps, est-ce normal ? Être déchiré par les sentiments, torturé par les pensées : est-ce normal ? Un corps sain, un esprit sain vivent en grande partie sans être perçus par leur propriétaire ; ce n’est qu’occasionnellement, par la douleur ou la souffrance, qu’ils appellent l’attention et la compréhension. Pourquoi ne pas en faire de même pour l’ensemble de la vie personnelle ? On peut fonctionner correctement, en réagissant bien et pleinement à tout ce qui se passe, sans avoir à le faire apparaître au centre de la conscience. Lorsque le contrôle de soi devient une seconde nature, la conscience se déplace vers des niveaux plus profonds d’existence et d’action.
V : Ne devient-on pas un robot ?
N.M : Quel mal y a-t-il à rendre automatique ce qui est habituel et répétitif ? C’est automatique de toute façon. Mais quand c’est aussi chaotique, cela cause de la douleur et de la souffrance et demande de l’attention. Le but d’une vie propre et bien ordonnée est de libérer l’homme de l’emprise du chaos et du fardeau de la douleur.
V : Vous semblez être en faveur d’une vie informatisée.
N.M : Qu’y a-t-il de mal à mener une vie exempte de problèmes ? La personnalité n’est qu’un reflet du réel. Pourquoi le reflet ne devrait-il pas être fidèle à l’original comme une évidence, automatiquement ? La personne doit-elle avoir des projets qui lui sont propres ? La vie dont elle est l’expression la guidera. Une fois que vous avez compris que la personne n’est qu’une ombre de la réalité, mais pas la réalité elle-même, vous cessez de vous inquiéter. Vous acceptez d’être guidé de l’intérieur et la vie devient un voyage dans l’inconnu.

Nisargadatta Maharaj

Extrait traduit pour www.meditations-avec-sri-Nisargadatta-Maharaj.com .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

 

Je Suis 11 – Conscience et conscience – ( Awareness et consciousness)

Nisargadatta Maharaj Consciousness

Chapitre 11 – “Conscience pure” et “conscience de”

Visiteur : Que faites-vous lorsque vous êtes endormi ?

Nisargadatta Maharaj : Je suis présent au fait d’être endormi.
V : Le sommeil n’est-il pas un état d’inconscience ?

N.M : Oui, je suis conscient d’être inconscient.

V : Et quand je suis éveillé, ou quand je rêve ?
N.M : Je suis conscient ( présent au fait ) d’être éveillé ou de rêver.
V : Je ne vous comprends pas. Que voulez-vous dire exactement ? Laissez-moi clarifier mes termes : par être endormi je veux dire inconscient, par être éveillé je veux dire conscient, par rêver je veux dire conscient de son esprit, mais pas de l’environnement.
N.M : Eh bien, c’est à peu près la même chose pour moi. Pourtant, il semble y avoir une différence. Dans chaque état, vous oubliez les deux autres, alors que pour moi, il n’y a qu’un seul état d’être, incluant et transcendant les trois états mentaux de veille, de rêve et de sommeil.
V : Voyez-vous dans le monde une direction et un but ?
N.M : Le monde n’est que le reflet de mon imagination. Tout ce que je veux voir, je peux le voir. Mais pourquoi devrais-je inventer des modèles de création, d’évolution et de destruction ? Je n’en ai pas besoin. Le monde est en moi, le monde est moi-même. Je n’en ai pas peur et je n’ai aucun désir de l’enfermer dans une image mentale.
V : Je reviens au sommeil. Est-ce que vous rêvez ?

N.M : Bien sûr.
V : Quels sont vos rêves ?
N.M : Des échos de l’état de veille.
V : Et votre sommeil profond ?
N.M : La conscience du cerveau est suspendue.

V : Vous êtes alors inconscient ?
N.M : Inconscient de mon environnement – oui.
V : Pas tout à fait inconscient ?
N.M : Je reste conscient que je suis inconscient.
V : Vous utilisez les mots “conscient”(aware) et “conscient” ( conscious). Ne sont-ils pas identiques ?
N.M : La Conscience est primordiale, c’est l’état originel, sans commencement, sans fin, sans cause, sans support, sans parties, sans changement.
La conscience est au contact, une réflexion contre une surface, un état de dualité. Il ne peut y avoir de conscience sans Conscience, mais il peut y avoir une Conscience sans conscience, comme dans le sommeil profond. La Conscience est absolue, la conscience est relative à son contenu ; la conscience est toujours de quelque chose. La conscience est partielle et changeante, la Conscience est totale, immuable, calme et silencieuse. Et c’est la matrice commune de toute expérience.
V : Comment peut-on aller au-delà de la conscience pour entrer dans la Conscience ?
N.M : Puisque c’est la Conscience qui rend la conscience possible, il y a de la Conscience dans chaque état de conscience. Par conséquent, la conscience même d’être conscient est déjà un mouvement dans la Conscience. L’intérêt pour votre flux de conscience vous amène à la Conscience. Ce n’est pas un nouvel état. Il est immédiatement reconnu comme l’existence originelle, fondamentale, qui est la vie elle-même, ainsi que l’amour et la joie.
V : Puisque la réalité est tout le temps avec nous, en quoi consiste la réalisation de Soi ?
N.M : La réalisation n’est que le contraire de l’ignorance. Considérer le monde comme réel et son propre Soi comme irréel, c’est l’ignorance, la cause du chagrin. Connaître le Soi comme la seule réalité et tout le reste comme temporel et transitoire, c’est la liberté, la paix et la joie. Tout cela est très simple. Au lieu de voir les choses comme on les imagine, apprenez à les voir comme elles sont. C’est comme nettoyer un miroir. Le même miroir qui vous montre le monde tel qu’il est, vous montrera aussi votre propre visage. La pensée “Je suis” est le chiffon à polir. Utilisez-la.

Nisargadatta Maharaj

Extrait traduit pour www.meditations-avec-sri-Nisargadatta-Maharaj.com .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Je suis 10 – Être témoin

Nisaragdatta Être témoin

Chapitre 10 – Être témoin

Visiteur : Je suis plein de désirs et je veux les réaliser. Comment vais-je obtenir ce que je veux ?
Nisargadatta Maharaj : Méritez-vous ce que vous désirez ? D’une manière ou d’une autre, vous devez travailler à la réalisation de vos désirs. Mettez-y de l’énergie et attendez les résultats.
V : Où dois-je trouver l’énergie ?
N.M : Le désir lui-même est de l’énergie.
V : Alors pourquoi tous les désirs ne se réalisent-ils pas ?
N.M : Peut-être n’était-il pas assez fort et durable.
V : Oui, c’est mon problème. Je veux des choses, mais je suis paresseux quand il s’agit d’agir.
N.M : Lorsque votre désir n’est pas clair ni fort, il ne peut pas prendre forme. De plus, si vos désirs sont personnels, pour votre propre plaisir, l’énergie que vous leur donnez est forcément limitée, elle ne peut pas dépasser ce que vous avez.
V : Pourtant, il arrive souvent que des personnes ordinaires obtiennent ce qu’elles désirent.
N.M : Après l’avoir désiré très fort et pendant longtemps. Même dans ce cas, leurs réalisations sont limitées.
V : Et qu’en est-il des désirs désintéressés ?
N.M : Lorsque vous désirez le bien commun, le monde entier le désire avec vous. Faites vôtre le désir de l’humanité et travaillez pour lui. Là, vous ne pouvez pas échouer.
V : L’humanité est l’œuvre de Dieu, pas la mienne. Je suis préoccupé par moi-même. N’ai-je pas le droit de voir mes désirs légitimes se réaliser ? Ils ne feront de mal à personne. Mes désirs sont légitimes. Ce sont des désirs justes, pourquoi ne se réalisent-ils pas ?
N.M : Les désirs sont justes ou faux selon les circonstances, cela dépend de la façon dont on les regarde. C’est seulement pour l’individu qu’une distinction entre le bien et le mal est valable.
V : Quelles sont les lignes directrices d’une telle distinction ? Comment puis-je savoir lesquels de mes désirs sont bons et lesquels sont mauvais ?
N.M : Dans votre cas, les désirs qui mènent au chagrin sont mauvais et ceux qui mènent au bonheur sont bons. Mais vous ne devez pas oublier les autres. Leur peine et leur bonheur comptent aussi.
V : Les résultats sont dans le futur. Comment puis-je savoir ce qu’ils seront ?
N.M : Utilisez votre esprit. Souvenez-vous. Observez. Vous n’êtes pas différent des autres. La plupart de leurs expériences sont valables pour vous aussi. Pensez clairement et profondément, examinez la structure entière de vos désirs et leurs ramifications. Ils constituent une partie très importante de votre constitution mentale et émotionnelle et affectent puissamment vos actions. N’oubliez pas que vous ne pouvez pas abandonner ce que vous ne connaissez pas. Pour aller au-delà de vous-même, vous devez vous connaître.
V : Que signifie se connaître soi-même ? En me connaissant moi-même, qu’est-ce que j’arrive à savoir exactement ?

N.M : Tout ce que vous n’êtes pas.

V : Et pas ce que vous êtes ?
N.M : Ce que vous êtes, vous l’êtes déjà. En sachant ce que vous n’êtes pas, vous vous en libérez et restez dans votre propre état naturel. Tout cela se passe très spontanément et sans effort.
V : Et qu’est-ce que je découvre ?
N.M : Vous découvrez qu’il n’y a rien à découvrir. Vous êtes ce que vous êtes et c’est tout.

V : Mais en fin de compte, qu’est-ce que je suis ?
N.M : La négation ultime de tout ce que vous n’êtes pas.
V : Je ne comprends pas !
N.M : C’est votre idée fixe que vous devez être quelque chose ou autre chose, qui vous aveugle.
V : Comment puis-je me débarrasser de cette idée ?
N.M : Si vous me faites confiance, croyez quand je vous dis que vous êtes la pure Conscience qui illumine la conscience et son contenu infini. Réalisez cela et vivez en conséquence. Si vous ne me croyez pas, alors allez à l’intérieur de vous, en vous demandant ” Qu’est-ce que je suis ? ” ou concentrez votre esprit sur ” Je suis “, qui est l’être pur et simple.
V : De quoi dépend ma foi en vous ?
N.M : De votre compréhension du cœur des autres. Si vous ne pouvez pas regarder dans mon cœur, regardez dans le vôtre.
votre propre cœur.
V : Je ne peux faire ni l’un ni l’autre

N.M : Purifiez-vous par une vie bien ordonnée et utile. Surveillez vos pensées, vos sentiments, vos paroles et vos actions. Cela éclaircira votre vision.
V : Ne dois-je pas d’abord renoncer à tout, et vivre une vie  sans possessions ?
N.M : Vous ne pouvez pas renoncer. Vous pouvez quitter votre maison et causer des problèmes à votre famille, mais les attachements sont dans l’esprit et ne vous quitteront pas tant que vous ne connaîtrez pas votre esprit à fond. La première chose à faire est de se connaître soi-même, tout le reste viendra avec.
V : Mais vous m’avez déjà dit que je suis la Réalité Suprême. N’est-ce pas la connaissance de Soi ?
N.M : Bien sûr que vous êtes la Réalité Suprême ! Mais qu’en est-il ? Chaque grain de sable est Dieu.
le savoir est important, mais ce n’est que le début.
V : Eh bien, vous m’avez dit que je suis la Réalité Suprême. Je vous crois. Que dois-je faire ensuite ?
N.M : Je vous l’ai déjà dit. Découvrez tout ce que vous n’êtes pas. Le corps, les sentiments, les pensées, les idées, le temps, l’espace, l’être et le non-être, ceci ou cela – rien de concret ou d’abstrait que vous puissiez désigner comme étant vous. Une simple déclaration verbale ne suffira pas – vous pouvez répéter une formule à l’infini sans le moindre résultat. Vous devez vous observer continuellement – en particulier votre esprit – instant après instant, sans rien manquer. Cette observation est essentielle pour la séparation du Soi et du non-Soi.
V : Le témoin – n’est-ce pas ma vraie nature ?
N.M : Pour être témoin, il doit y avoir quelque chose d’autre à observer. Nous sommes toujours dans la dualité !
V : Qu’en est-il d’être témoin du témoin ? La conscience de la Conscience ?
N.M : Mettre des mots ensemble ne vous amènera pas loin. Allez à l’intérieur et découvrez ce que vous n’êtes pas. Rien d’autre ne compte.

Nisargadatta Maharaj

Extrait traduit pour www.meditations-avec-sri-Nisargadatta-Maharaj.com .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press

Je suis 9 – Les réponses de la mémoire

mémoire monde Nisargadatta

Les réponses de la mémoire

Visiteur : Certains disent que l’univers a été créé. D’autres disent qu’il a toujours existé et qu’il subit sans cesse des transformations. Certains disent qu’il est soumis à des lois éternelles. D’autres nient même la causalité. Certains disent que le monde est réel. D’autres – qu’il n’a pas d’existence.

Nisargadatta Maharaj : Sur quel monde porte votre question ?

V : Le monde que je perçois, bien sûr.
N.M : Le monde que vous pouvez percevoir est en effet très petit. Et il est entièrement privé. Prenez-le pour un rêve et n’y pensez plus.
V : Comment puis-je considérer que c’est un rêve ? Un rêve ne dure pas.

N.M : Combien de temps durera votre petit monde ?
V : Après tout, mon petit monde n’est qu’une partie de l’ensemble.
N.M : L’idée d’un monde total n’est-elle pas une partie de votre monde personnel ? L’univers ne vient pas vous dire que vous en faites partie. C’est vous qui avez inventé une totalité pour vous contenir comme une partie. En fait, tout ce que vous connaissez, c’est votre propre monde privé, aussi bien que vous l’ayez meublé de vos imaginations et de vos attentes.
V : Assurément, la perception n’est pas l’imagination !
N.M : Quoi d’autre ? La perception est une reconnaissance, n’est-ce pas ? Une chose totalement inconnue peut être pressentie, mais ne peut être perçue. La perception implique la mémoire.
V : D’accord, mais la mémoire n’en fait pas une illusion.
N.M : La perception, l’imagination, l’attente, l’anticipation, l’illusion – toutes sont basées sur la mémoire. Il n’y a pratiquement aucune frontière entre elles. Elles se fondent simplement les unes dans les autres. Toutes sont des réponses de la mémoire.
V : Pourtant, la mémoire est là pour prouver la réalité de mon monde.
N.M : De quoi vous souvenez-vous ? Essayez d’écrire de mémoire ce que vous pensiez, ce que vous disiez et faisiez le 30 du mois dernier.

V : Oui, il y a un blanc.
N.M : Ce n’est pas si grave. Vous vous souvenez de beaucoup de choses – la mémoire inconsciente rend le monde dans lequel vous vivez si familier.
V : J’admets que le monde dans lequel je vis est subjectif et partiel. Qu’en est-il pour vous ? Dans quel genre de monde vivez-vous ?
N.M : Mon monde est comme le vôtre. Je vois, j’entends, je sens, je pense, je parle et j’agis dans un monde que je perçois, tout comme vous. Mais avec vous c’est tout, avec moi ce n’est rien. Sachant que le monde est une partie de moi-même, je ne lui accorde pas plus d’attention que vous n’en accordez à la nourriture que vous avez mangée. Pendant qu’elle est préparée et mangée, la nourriture est séparée de vous et votre esprit est sur elle ; une fois avalée, vous en êtes totalement inconscient. J’ai avalé le monde et je n’ai plus besoin d’y penser.
V : Ne devenez-vous pas complètement irresponsable ?
N.M : Comment le pourrais-je ? Comment pourrais-je faire du mal à quelque chose qui ne fait qu’un avec moi. Au contraire, sans penser au monde, tout ce que je fais lui sera bénéfique. De même que le corps se redresse inconsciemment, de même je suis sans cesse actif pour redresser le monde.
V : Néanmoins, vous êtes conscient de l’immense souffrance du monde ?

N.M : Bien sûr que je le suis, beaucoup plus que vous.
V : Alors que faites-vous ?
N.M : Je le regarde avec les yeux de Dieu et je constate que tout va bien.
V : Comment pouvez-vous dire que tout va bien ? Regardez les guerres, l’exploitation, les luttes cruelles entre le citoyen et l’Etat.
N.M : Toutes ces souffrances sont créées par l’homme et l’homme a le pouvoir d’y mettre fin. Dieu aide en mettant l’homme face aux résultats de ses actions et en exigeant que l’équilibre soit rétabli. Le karma est la loi qui agit pour la justice ; c’est la main guérisseuse de Dieu.

Nisargadatta Maharaj

Extrait traduit pour www.meditations-avec-sri-Nisargadatta-Maharaj.com .  Version originale éditée par Maurice Frydman à partir des enregistrements en Marathi de Nisargadatta Maharaj et  publiée dans – “I am That” Acorn Press