Témoignage de Vanaja Narayanaswami

Témoignage de Vanaja Narayanaswami  sous la forme de quelques anecdotes et témoignages vécus au près de Maharaj. qu’elle se remémore pour nous.

Tout est une bénédiction

Cet incident m’a été raconté par madame Jaishree Gaitonde. Elle et son mari assistaient habituellement aux conférences du soir de Nisargadatta Maharaj et jouaient le rôle de traducteurs. Ce soir-là, ils se rendaient en voiture chez Nisargadatta Maharaj et en chemin, ils ont arrêté la voiture pour acheter des fruits. Jaishree a laissé par inadvertance son sac à main sur le capot de la voiture et pendant qu’ils achetaient les fruits, quelqu’un a volé son sac. Ils étaient très inquiets car les clés de la voiture, les clés de la maison et l’argent se trouvaient dans le sac à main. C’est alors que des témoins ont pointé du doigt un sac à main sur la route, à une certaine distance du magasin de fruits situé au bord de la route. Ils étaient très contents – surtout lorsqu’ils ont réalisé que le voleur n’avait pris que l’argent et avait laissé les autres objets intacts.

Lorsqu’ils sont arrivés chez Nisargadatta Maharaj, ils se sont prosternés devant lui, lui ont raconté ce qui s’était passé en chemin et lui ont dit que c’était uniquement grâce à Sa grâce qu’ils avaient récupéré le sac à main. 

Pouvez-vous deviner ce que Maharaj a répondu ? Il a dit : “Oui, et c’est grâce à ma grâce que le sac a été volé et que l’argent a été perdu”.

Nisargadatta Maharaj a saisi cette occasion pour nous montrer que ce n’était qu’un événement. 

Seules les divers interprétations du mental l’ont rendu “bon” ou “mauvais”.

L’Inhalateur à vapeur

Lorsque le corps de Nisargadatta Maharaj était atteint d’un cancer, il avait des problèmes respiratoires. J’avais l’habitude d’aller tôt dans mon travail pour faire du Seva (service) pour lui. À cause de ses problèmes respiratoires, il avait l’habitude d’inhaler des vapeurs d’eau chaude d’un pot en porcelaine. Le pot avait une ouverture sur le dessus pour verser de l’eau chaude et deux ouvertures sur les côtés – une pour l’inhalation de la vapeur et l’autre pour que la vapeur en trop s’échappe.

Un jour, j’ai mis par inadvertance l’ouverture par laquelle la vapeur s’échappe près de sa bouche, et l’eau bouillante l’a éclaboussé. J’étais terrifiée et je me suis mis à pleurer et à m’excuser. Ce qui est étonnant, c’est que Nisargadatta Maharaj n’en a pas été affecté. Au lieu de cela, il m’ajuste dit “Faites attention.” J’étais soulagé, mais je ne pouvais pas contrôler mes larmes. 

Cet incident m’a montré clairement que Nisargadatta Maharaj n’était pas concerné par le corps.

Prenez soin de votre mère

Ma mère a dû subir une opération. J’en ai informé Maharaj et lui ai dit que je ne viendrais pas à l’Ashram pendant quelques jours. Je ne suis donc pas allée à l’Ashram de Kethwadi ( le domicile de Nisargadatta) pendant les trois jours suivants et je me suis sentie agitée. Voyant cela, ma belle-sœur m’a dit qu’elle s’occuperait de ma mère pendant une journée pour que je puisse rendre visite à Nisargadatta Maharaj.

Lorsque j’ai fait Namaskar à Maharaj, il m’a demandé si ma mère était rentrée chez elle après l’hôpital. J’ai répondu par la négative. Il m’a demandé : “Pourquoi es-tu venu ici alors que ta mère est à l’hôpital ? Va t’occuper d’elle et ne viens ici qu’une fois qu’elle sera rentrée chez elle”. Quelle bienveillance ! Il n’a jamais apprécié que ses disciples renoncent à leurs devoirs de Samsarik ( responsabilité du quotidien)) pour venir chez lui. La devise de la lignée est que nous ne devons pas abandonner nos devoirs mondains pour poursuivre la voie spirituelle.

Offrande de Prasad

J’avais l’habitude de prendre une grande quantité de fruits comme Prasad (offrande de sucreries) pour le Bhajan du matin. Habituellement, la moitié me revenait et l’autre moitié était distribuée en Prasad.

Souvent, seules quelques personnes assistaient au Bhajan du matin et il restait donc beaucoup de Prasad. Nisargadatta Maharaj m’a dit qu’il suffisait que je vienne et qu’il n’était pas nécessaire d’apporter du Prasad. En voyant mon visage effondré, il m’a dit : “D’accord, apportez du Prasad, mais juste une petite quantité”.

Accepter le cadeau offert avec gentillesse

Une fois, j’ai dû aller à Calcutta pour un entretien. En réalité, je ne voulais pas y aller car je ne voulais pas manquer le Satsang avec Nisargadatta Maharaj. J’ai dit à Maharaj que ma famille ne voulait pas que je manque cette occasion, mais je ne voulais pas aller à Calcutta. Je lui ai demandé si je devais assister à l’entretien. Nisargadatta Maharaj n’a pas répondu “oui” ou “non”, et a gardé le silence.

Je suis allé à Calcutta et j’ai reçu un cadeau pour Nisargadatta Maharaj de là-bas. Mon cousin m’a aidé à acheter un dhoti et un kurta, que Nisargadatta Maharaj pouvait porter. Quand je lui ai présenté le dhoti, il m’a dit que le dhoti était bien, mais que le kurta avait une broderie près de la manche et qu’il ne portait pas de tels vêtements. Lorsqu’il a vu que j’étais un peu contrarié, il a porté le kurta pour la séance du soir, montrant ainsi sa nature magnanime.

Je n’ai finalement pas obtenu le poste à Calcutta et j’ai continué à travailler à Bombay, restant ainsi proche de Maharaj.

Prendre soin des responsabilités mondaines

Mon cousin Vaidhyanathan, appelé Vaithy en abrégé, étudiait pour sa maîtrise à l’université de Bombay (aujourd’hui appelée Mumbai), où j’enseignais. Un jour, je l’ai emmené au Darshan de Nisargadatta Maharaj. Vaithy a emmené son ami, Kasbekar, un aveugle, qui étudiait également à l’université de Mumbai. Nisargadatta Maharaj a béni Kasbekar et lui a aussi donné un peu d’argent.

Après avoir écouté les enseignements de Nisargadatta Maharaj pendant quelques mois, Vaithy a commencé à les comprendre. Cependant, il avait peur que cela le fasse s’enfuir de chez lui, laissant ses devoirs pour la spiritualité. Maharaj me disait de ne pas amener Vaithy aux entretiens, car il en deviendrait spirituellement enclin plus tard dans sa vie. Nisargadatta Maharaj a toujours insisté sur le fait qu’il faut bien étudier et s’installer dans la vie et seulement ensuite se plonger dans les questions spirituelles.

Aujourd’hui, Vaithy dit qu’il est très redevable à Nisargadatta Maharaj : c’est seulement grâce à la bénédiction de Maharaj qu’il a pu obtenir un bon emploi à Chennai et prendre soin de ses parents jusqu’à leur décès.

Accepter les cadeaux avec humilité

Lorsque Nisargadatta Maharaj était très malade à cause du cancer, quelqu’un a suggéré que faire tremper et broyer des amandes et les prendre avec du lait pourrait améliorer sa santé. À l’époque, les amandes étaient coûteuses et n’étaient pas disponibles facilement. Mon frère, qui avait travaillé en Afghanistan me rapporta des amandes. Je les offrais à Nisargadatta Maharaj et il les  accepta.

Après quelques jours, il m’a demandé si les membres de sa famille pouvaient prendre des amandes car elles ne convenaient pas à son corps. J’ai été très ému que Maharaj me pose une telle question, car il n’avait pas besoin de ma permission pour cela. Je lui ai dit que lorsque je lui ai donné les amandes, c’était pour tous les membres de sa famille.

Mantra Diksha

J’avais un profond désir d’obtenir le Mantra Diksha (initiation). Dans ma famille, les garçons reçoivent un fil sacré ( famille de Brahmin) et le Gayatri Mantra leur est transmis par leur père. J’ai harceler mon père pour obtenir un Mantra Diksha, en lui faisant valoir qu’il n’y avait pas de différence entre les filles et les garçons. Finalement, il m’a donné l’initiation du Mantra Gayatri et j’étais heureuse.

Lorsque j’ai rencontré Nisargadatta Maharaj, après avoir lu l’article paru sur lui dans Mountain Path, j’ai commencé à me poser uneheure de la méditation le matin comme il le préconisait. J’avais l’impression que comme Ramana Maharishi et Shirdi Sai Baba, Nisargadatta Maharaj ne donnerait pas non plus en tant que femme le Mantra Diksha.

Un matin, lorsque je suis allé à l’Ashram pour la méditation, Maharaj m’a demandé si j’avais pris le Nam de quelqu’un (Mantra Diksha est appelé Nam Lena en Marathi). Au début, je ne comprenais ce qu’il voulait dire, puis j’ai compris qu’il voulait parler du Mantra Diksha. Je lui ai dit que mon père m’avait donné le Gayatri Mantra. Il m’a répondu : « Très bien » et m’a demandé de m’asseoir près de l’autel. Je lui ai dit que je n’avais pas apporté les offrandes habituelles de fruits, de fleurs, etc. Maharaj a dit que cela n’avait pas d’importance et  il m’a donné le Mantra Nama. Contre toute attente, j’ai reçu l’initiation de Maharaj et j’en étais ravie.

Plus tard, j’ai amené ma mère, ma soeur et ma nièce (qui avait juste dix ans !) pour recevoir le Nama Mantra de Nisargadatta Maharaj. Maharaj a eu la gentillesse de leur donner la Diksha et m’a demandé pourquoi je ressentais le besoin d’amener autant de membres de ma famille pour recevoir le Mantra. Je lui ai dit que lorsque nous recevons un dessert et que nous le dégustons, nous aimerions le partager avec tout le monde.

Des guirlandes pour Maharaj

J’avais souvent l’habitude de prendre une guirlande de fleurs pour l’offrir à Nisargadatta Maharaj. Maharaj me désignait la photo de son Guru Sri Siddharameswara Maharaj et me demandait de lui offrir la guirlande. Par la suite, chaque fois que je voulais offrir une guirlande à Nisargadatta Maharaj, j’emportais deux guirlandes – une pour lui et une pour son maître.

Pendant les jours de fête, beaucoup de gens apportaient des guirlandes. Un de ces jours de fête, j’ai eu l’impression que j’aurais dû apporter ma guirlande un autre jour. Nisargadatta Maharaj a lu dans mes pensées et m’a dit qu’il gardait ma guirlande dans le réfrigérateur et qu’il l’utiliserait le lendemain, si cela me convenait.

Oxygène et Conscience
Six mois avant son MahaSamadhi, Nisargadatta Maharaj souffrait de graves problèmes respiratoires dus à son cancer de la gorge. Sa souffrance me rendait très triste. Un jour, j’ai suggéré à Maharaj que nous puissions obtenir une bouteille d’oxygène, ce qui l’aiderait à soulager ses problèmes respiratoires.
Maharaj  explosa immédiatement de colère : ” Cette conscience restera aussi longtemps qu’elle doit rester et partira quand elle devra partir. Vous savez que je ne veux pas prolonger cette vie, même pour une seconde. Après avoir entendu tous mes discours, je suis surpris que vous puissiez encore dire cela.”
Il a continué encore et encore pendant un certain temps, alors que je restais là. Pour être honnête, j’étais bouleversé et j’avais les larmes aux yeux. Quand j’y suis retourné le lendemain, Maharaj s’est exclamé : ” Oh, vous êtes  revenue ! J’ai pensé qu’après mon accès de colère d’hier, vous ne reviendrais jamais”. Je lui ai dit humblement : ” Maharaj, peu importe ce que vous  dites et à quel point vous êtes en colère. Je reviendrai toujours vers vous”. Maharaj m’a fait un signe de tête et m’a souri.

Les tigres et les cerfs
Une fois, quand j’étais chez Maharaj à 10th  Khetwadi Lane, il y a eu une dispute entre les membres de la famille de Maharaj. J’ai été très troublé par l’échange de mots animés. Je me suis levé pour partir chez moi, pensant : ” On dit que l’atmosphère autour d’un maître illuminé est si paisible que même des ennemis comme les tigres et les cerfs vivent en amis. Alors pourquoi toutes ces discussions enflammées ?
Je descendais les marches, profondément troublé par ces pensées. En arrivant au bas des marches, j’ai entendu Maharaj m’appeler. J’ai levé les yeux et il se tenait en haut de l’escalier. D’une voix ferme, il a dit : ” Il n’y a pas de réalité dans tout cela. Ce qui se passe n’est qu’un événement. Votre travail est d’être un observateur et de ne pas être affecté. “

 

Construction d’un Ashram

La pensée  qu’il devrait y avoir un Ashram pour Nisargadatta Maharaj me venait souvent, quelque chose de similaire à Ramanashram. Ma mère avait une terre à Chennai, et j’avais cette pensée que nous pourrions y construire un Ashram ou un temple qui lui serait dédié. Un jour, j’étais assis aux entretiens, pensant à quel point ce serait merveilleux d’avoir un Ashram pour lui. Soudain, Maharaj m’a regardé et a dit : ” Ce n’est pas la solution (samadhan). Il n’y a pas de raison de construire un Ashram. Même si  construisiez un temple avec une statue en or de moi à l’intérieur. Pensez-vous que le fait de le construire mettra fin à vos désirs ? Cela ne vous mènera pas à la vérité.

Quitter mon travail
Une fois après les entretiens de Maharaj, je me suis sentie très bien, j’ai eu le sentiment d’être entière, comme si tout ce que j’avais à faire dans cette vie, je l’avais accompli. Je ne voulais plus travailler et je voulais approfondir cet état. Je voulais quitter mon travail. Le lendemain, j’ai parlé à Maharaj de mon intention de quitter mon travail.
Maharaj m’a demandé :”Qui fait le travail, c’est vous qui travaillez ?”
Je l’ai juste regardé, mon esprit complètement vide. L’idée de quitter mon travail a complètement disparu. J’ai eu cette conversation avec lui en 1979. J’ai travaillé pendant 21 ans après ça, pour finalement prendre ma retraite en 2000.

L’illusion du temps
Il y avait une réception à Banganga (le Samadhi, lieu où sont déposés les cendres de Siddharameshwar Maharaj, au crématorium de malabar Hill, à Mumbay)) et Maharaj m’a demandé d’y assister. Comme j’étais célibataire et que je vivais avec ma mère et mon frère, on s’attendait à ce que je sois à la maison à 19 heures tous les jours. Ce soir-là, le programme a continué encore et encore. J’ai demandé à Maharaj la permission de partir plus tôt, mais il m’a demandé d’attendre la fin. Le programme s’est terminé vers 22h  et j’ai dû voyager seule en taxi jusqu’au sud de Mumbay, ce qui était rare et dangereux pour une femme célibataire.
J’avais peur que ma mère m’attende avec impatience et que je sois sévèrement réprimandée et grondée. Étonnamment, nous avions quelques invités à la maison à cette heure tardive et quand je suis entrée, personne n’a même mentionné l’heure. C’était comme si rien ne s’était passé.

Que tout ne soit pas perdu.
Les derniers jours, quand Nisargadatta Maharaj était très malade, il n’a pas cessé de parler de la Conscience. Il souhaitait transmettre la vérité à tout le monde, même quand il souffrait du cancer de la gorge. Il disait : ” Publiez les discours, sinon tous mes discours seront perdus. Faites connaître aux chercheurs la vérité sur leur propre Conscience.” Il incitait sans cesse Jean Dunn à publier les enseignements. Il voulait que tous les chercheurs de vérité en bénéficient.

 

Remerciement à Rajiv Agarwal pour avoir collecté et retranscrit ses témoignages sur son site innerspiritualawakening.com.