Ce n’est pas par l’apparence physique que peut être reconnu un jnani. L’image créée par votre mental n’est absolument d’aucune utilité. La raison en est que le Soi est antérieur à l’intellect. Alors comment l’intellect pourrait-il y avoir accès ? Si vous ne vous connaissez pas vous-même, comment pouvez-vous prétendre connaître les autres ? Les mots n’ont pas d’impact sur le jnani. C’est le mental qui a les expériences. Pour cette raison les différents états d’être ne transcendent pas le mental.
Est-ce que quelqu’un d’autre peut faire le même rêve que le mien ? L’expérience de chacun est différente. Est-ce que le meilleur des êtres humains savoure sa connaissance ? Chaque être est estimé en fonction de son aspect physique et de son comportement. Les rêves de chacun peuvent-ils être identiques ? Pareillement, la connaissance de chacun est différente. L’expérience d’être est la même, mais le comportement du mental peut-il être le même en chacun ? Je préférerais un athée à un chercheur spirituel qui n’est pas tranquille. Vous pourriez remettre en cause Dieu en proclamant que vous n’avez pas de connaissance directe de Lui. Mais n’avez-vous pas la conscience d’être ? Qu’en est-il ?
Le Soi est la nature du Soi. Il ne peut être défini. Il n’est pas de la nature du corps. Vous endossez la responsabilité de toutes les actions à cause de la conscience identifiée au corps. En tout premier, enquêtez sur comment vous avez été amené à avoir connaissance que vous êtes.
Rien ne peut être lâché qui n’ait été compris. Si cela avait été abandonné totalement, personne n’aurait pris une apparence humaine. Quand un concept apparaît, comment ne pas le saisir ? Restez-en libre en disant : « Je ne suis pas ce concept. » Quand la nourriture n’est pas goûteuse, faut-il dire à quelqu’un de ne pas la manger ?
Celui qui connaît le Soi n’a qu’une position : la connaissance du Soi. Tout le reste n’est que concepts traditionnels. Quand et comment la pensée « Je suis » est-elle arrivée ? Pistez cette pensée avec assiduité. Dans l’objectif d’éradiquer le concept « Je suis le corps », servez-vous du concept « Je suis Brahman » . De la même manière qu’un diamant permet de tailler un autre diamant.
La conscience doit être réalisée. Chacun doit comprendre qui il est, ce qu’est le monde, et où se situe leur origine commune. Qu’est-ce que cela signifie quand nous avons la connaissance d’être ? Cela veut dire que nous nous aimons, et que nous sommes amenés à aimer les autres. Si vous n’avez pas d’intérêt pour vous, il n’y aura pas d’intérêt pour les autres. Le sens véritable de « Je suis Cela » est « Je suis tout » . Ne vous reposez pas sur la mémoire des autres. C’est la meilleure source d’emprisonnement. Vous êtes soucieux à l’évocation de vos enfants et des autres, mais quand ils n’étaient pas là, les évoquiez-vous ? Alors que les relations s’accroissent, les tourments font de même. C’est pourquoi vous êtes misérables par l’évocation des liens que vous entretenez avec les autres. Vous êtes un jiva par tous vos attachements.
Shiva se manifeste et imprègne toute chose. Il prend même les in- sectes pour demeure. Vous êtes harcelés par cette évocation de « moi et mien ». Si le prana vous quittait juste à l‘instant, quelle connexion pourriez-vous encore établir avec ces mémoires ? Pourquoi ne pourrions- nous pas être tout de suite, tels que nous serons quand le prana nous aura quittés ? Il existe une quantité infinie de mémoires. Auxquelles d’entre elles devrais-je m’accrocher et expérimenter le tourment ? Après la mort, toutes les relations prennent fin. Alors pourquoi ne pas expéri- menter la même chose directement, maintenant ?
Vous croyez que vous avez des parents, mais ils ne sont en rien séparés de vous. Ce qui est appelé chit-ananda – la félicité de la conscience – est juste un divertissement pour le plaisir du Soi.
Je n’ai aucun souvenir.
Je me suis rôti sans feu, et me suis avalé.
Nisargadatta Maharaj
Mercredi 30 mai 1979
Extrait de ” Méditations avec sri Nisargadatta Maharaj” aux éditions Aluna