dimanche 21 mai 1978
La canne à sucre est une plante. Quand sa forme change, elle de- vient du sucre. Qu’est ce qui se trouve au cœur de ce pur sucre ? N’est- ce pas la douceur ? Pareillement, il y a de la douceur dans le corps. C’est notre sensation d’être, sans forme mais avec une saveur. Dans le processus de la recherche, la conscience pure est dévoilée. Conscience pure signifie pur Sattva guna.
Ce qui est né, ce sont les gunas. Il ne s’agit pas de ma naissance. Même si Cela a des qualités, des formes multiples telles qu’homme ou femme, Cela reste antérieur à la naissance et à la mort. Comment Celui qui supporte tout l’univers pourrait-il mourir ? Tous nous avons un et même guna : la qualité d’être un jiva, la qualité de connaître, l’information « je suis ».
La qualité qui est comparable à l’espace est le Sattva guna. Quelle que soit la misère expérimentée, elle l’est uniquement par les gunas.
Gardez le silence et dites : « Je ne suis pas le corps. » Tout disparaîtra spontanément et votre vraie nature sera dévoilée. Je ne suis pas le Sattva guna (conscience) parce que je suis celui qui le connaît (Je suis antérieur à lui). J’étais déjà là avant que le corps me recouvre, mais je n’avais pas d’information.
Toute cette connaissance n’est pas honnête. La raison en est qu’elle est soumise au changement. La manifestation est appelée naissance. Mais la naissance de qui ? La manifestation est atomique, mais elle a engendré tout l’univers ! L’ignorance originelle est devenue une personne centenaire et dit : « Je suis devenu un mahatma (une grande âme). » Mais si cette ignorance (ou conscience) s’en va, alors quoi ?
Comment cela se passe-t-il quand vous faites l’expérience d’une bonne ou d’une mauvaise odeur ? Est-ce que cela se produit spontané- ment ? Qui fait cela ? Qui présente l’image que vous en avez ? Gardez- vous volontairement quelque chose en mémoire, ou est-ce que cela se fait de lui-même ? Toutes sortes de besoins arrivent avec le corps et font de nous des mendiants. Là où il n’y a pas conscience, il y a perfection. Là où il y a conscience du corps, Dieu (la conscience) est là, et là où se trouve Dieu il y a aussi un corps. (L’Absolu – Parabrahman est antérieur au deux.) Quand nous éprouvons de la peine, son origine est notre propre conscience. Là où il n’y a pas connaissance, il n’y a pas de formes, pas de gunas, pas d’actions. Concentrez-vous sur la conscience et rien d’autre. Quoi que vous fassiez sera une obstruction.
Chacun y a goûté (à la pure sensation « Je suis »), c’est une expérience transitoire. Ni le goût de Krishna, ni le goût de Shiva ne sont restés. Ils ont été des sages renommés, mais ils n’ont plus leur sentiment d’être.
La même force vitale est présente dans tous les corps. Cependant un corps n’en connaît pas un autre, bien que des millions de corps naissent à chaque instant. C’est l’aspect merveilleux de la force vitale (maya).
Quand Krishna évoquait sa propre nature de Soi, il ne faisait pas la description d’une personne. Krishna disait aussi : « Arjuna, tue tous les Kauravas ! Mais je dis qu’aucun d’eux ne mourra. »
Krishna transmit cette connaissance à Arjuna à l’occasion de cette situation de peur intense, mais est-ce que quelqu’un a pensé à comment Il l’a fait ? Bien que Krishna fût un enseignant véritable et renommé, Krishna, en tant qu’idole incarnée dans un corps, n’était qu’ignorance (la conscience de Krishna est la même connaissance, qui par nature est ignorance parce que changeante et éphémère. Par contre, Krishna ayant reconnu sa Vérité, était devenu un jnani).
Il n’existe rien dans le monde, excepté dans l’état d’ignorance qui est la plus grande fraude. Cette conscience elle-même est malhonnête. L’arbre du monde est venu à l’existence par la croissance de la racine de l’ignorance (la conscience-graine).
J’ai compris la raison du pourquoi de ce corps. C’est suffisant pour savoir que je ne suis pas cela. J’ai compris pourquoi l’accusation de naissance m’est tombée dessus. Restez en contemplation avec ceci : « Vous êtes pur Brahman, la mort ne vous concerne pas. Il n’y a rien ni personne à part vous. » Aussi, ne parlez pas en mal de quelqu’un, ne blâmez personne. Vous êtes la conscience subtile manifestée. Elle est la graine de l’univers, la graine de Brahman, la graine d’Atman.
Comment quelqu’un se comporte n’a aucune importance. Sachant qu’il n’est ni ceci, ni cela, celui-ci reste tranquille. Je ne suis même pas celui qui sait que « Je suis ». Il y a félicité quand « c’est comme ceci, ce n’est pas comme cela » s’en va. Une fois que le corps est oublié, on devient libre de la fierté de la conscience identifiée au corps. Quand la félicité devient impénétrable, compacte, alors elle n’est plus consciemment ressentie. Cette félicité n’est pas de celles que l’on peut oublier ou se rappeler. Le mental, l’intellect et la conscience ne peuvent pas évoquer le Soi suprême. Ils dictent des comportements, mais en sont- ils affectés ? Celui qui écoute, le fait par l’association du mental, de l’intellect et de la conscience. Mais, celui qui est félicité impénétrable est celui qui connaît le mental, l’intellect et la conscience. Il n’est pas affecté par eux.
Celui qui dit que sa forme est le corps devrait être honteux. Combien d’efforts pour préserver l’honneur et repousser la honte ? Les gunas appartiennent au mental, à l’intellect et à la conscience. Il ne peut y avoir d’action sans eux. Notre personnalité veut dire notre façon de nous comporter en fonction d’impressions antérieures. Vous vous situez dans l’ensemble du mental, de l’intellect et de la conscience. La félicité n’est pas là. Celui qui est dans un état de félicité impénétrable n’est soumis à aucune règle de conduite.
Connaissance directe veut dire votre propre Soi. Il n’y a alors plus d’enseignement ou d’enseignant. Ce qui se manifeste n’est d’aucune utilité, ni pour le bien, ni pour le mal. Jusqu’à ce que vous transcendiez la conscience, le sentiment d’être celui qui fait perdurera. Le corps ne se présente qu’à l’existence. L’existence et les rêves sont la même chose, et tout est perçu et imaginé dans cela. Tant que ce « Je suis » n’était pas connu, il n’y avait aucune interruption dans l’intense félicité. Le rêve paraît réel, mais il n’est pas vrai et il est malhonnête. « Je suis » n’a pas de limite ou de norme. Vous devez juste saisir cela une bonne fois et alors il n’y aura plus du tout d’intérêt pour le corps. Ce « Je suis » est un état passager. Il est emprunté. L’existence veut dire la sensation d’être. Cela ne durera pas. Rare est celui qui, avec l’aide du Guru, connaît l’existence. Il devient intemporel. Sans la grâce du Guru, cette conscience ne se stabiliserait pas. Même avec cette connaissance, rare est celui qui se libère de l’identification au corps telle que « Je suis un homme, je suis une femme ». Les autres meurent avec cette identification.
Au sein de cette vaste Conscience, il n’y a pas d’organisation religieuse, pas de karma, pas de temps. Elle est antérieure à la sensation « Je suis ». N’essayez pas de la connaître, mais tenez bon ce que vous avez entendu. C’est l’état naturel où il n’y a pas la mémoire « Je suis le corps ». Celui qui s’y trouve, reste dans son état d’être naturel. Celui qui tient la parole du Guru par-dessus tout, obtiendra une facilité et atteindra l’état de Brahman. Même quand il y a connaissance de Brahman, ce n’est pas pour autant infini ou vrai. En tant qu’expérience, cela ne peut durer. Tout est Brahman ; tout est empli de félicité et de paix. Dans tous les cas, le sentiment d’individualité est miséreux. Souvenez-vous de cela.
Nirupana 30 de “Méditations avec Sri Nisargadatta Maharaj” éd. Aluna