Nirupana 57
jeudi 31 août 1978
J’ai connaissance que « Je suis » et, par conséquent, j’ai connaissance que le monde est. Les deux surviennent spontanément. Le monde vient à exister en même temps que ma naissance. Votre véritable nature est le Soi. Il m’apparaît en tant que « Je suis », et le monde suit. Cela sera compris quand vous serez certain que le corps physique n’est pas votre vraie nature. Un être sur un million dira : « Le monde est parce que « Je suis ». Tous les autres diront que le monde existait auparavant, et qu’ils y sont venus. Je suis le monde et le monde est « Je ». Cette information est celle de la conscience manifestée.
Où se trouve le verbe se trouve la garantie de l’existence. Quand le verbe se déploie, il devient de la nature de l’espace. Notre conversation est stockée dans l’espace. La qualité de connaissance qu’elle contient est appelée chidakash. La lumière de l’espace de conscience s’est en- flammée dans une si aveuglante déflagration, qu’on l’appelle le grand espace (maha-akash.) L’espace de conscience est plus subtil que le plus subtil. Ce qui survient dans chidakash est absorbé et les images sont saisies immédiatement. Ce sont les impressions que vous stockez. À moins que ne vienne la connaissance de votre nature éternelle, cela se pour- suivra de manière identique. Le souhait qu’une conscience individuelle devrait être sans fin est la maya-racine. C’est la source de toute dévotion et amour. On l’appelle chidakash. L’univers est créé dans cela. Sa nature originelle est de ne pas être, de ne pas exister. Si vous avez une parfaite connaissance de ceci, y a-t-il une quelconque perte si le visible arrive à une fin ? Y aura-t-il de la peine si quelqu’un meurt ? Au lieu de dire : « Je suis Cela », dites : « Je suis depuis toujours et pour toujours. »
Beaucoup de personnes apprennent du Guru et s’arrêtent là. Per- sonne ne fait attention au fait que « Je suis » n’est pas la même chose pour l’enseignant et pour celui qui est enseigné. Même si vous prenez uniquement à cœur le fait que « Je suis » est la cause de ce qui doit être appris et que c’est aussi l’instrument qui permet cet apprentissage, c’est assez. Vous êtes déjà racheté. Avant d’apprendre quoi que ce soit, votre état d’être naturel est parfait. Si vous vous limitez à celui qui a appris pendant l’enseignement, comment en sortirez-vous ? (Ce sera un processus sans fin).
Krishna disait : « Le jiva ignorant ne comprend pas ce qui est éternel et libre ; aussi ai-je dû incarner ce corps. »
Être témoin du dernier moment de la mort est un festival de joie. Le temps arrive à sa fin, mais pas « Je ». Je n’ai pas de lever, je n’ai pas de coucher. Poursuivez vos tâches quotidiennes. Quoi qu’il en soit, soyez attentif à votre vraie nature. Dans votre pratique spirituelle, vous pro- clamez : « Je lâche ceci, je renonce à cela, etc. » Comment faites-vous pour renoncer à ce qui n’a jamais existé ? La conscience est la maya- racine – la déesse de la connaissance. Le temps de la mort est la mort du temps. Vous en êtes le Témoin. Alors, prenez-vous fin à ce moment-là ? Nous ressentons l’existence du prana et du corps, mais le corps et leprana ne nous connaissent pas. Vous devez examiner ceci jusqu’à aboutir à une conclusion définitive. Comme les cristaux de sel qui se dissolvent, le prana devient de plus en plus faible au moment de quitter le corps. La félicité de celui qui en a connaissance croît dans la même proportion. C’est un moment de grande joie.
La fin du temps signifie la fin du prana. Le fait que vous écoutiez est la conséquence de la conscience « chimique ». L’enseignement est communiqué à cette conscience identifiée au corps.
Quand la conscience s’en va, l’enseignement disparaît. Vous êtes antérieur à ceci. Qui apprend ? N’est-ce pas la conscience identifiée au corps ? Toutes les actions sont faites dans le temps. Voyez comment vous êtes différent d’avant cet enseignement.
Ceux qui se disent illuminés (éveillés) sont enveloppés dans les concepts de leur choix. Ils ne sont pas allés plus loin que ces concepts.
Pourquoi appréciez-vous tant de trouver des fautes chez les autres ? N’y a-t-il pas de meilleure façon de se sentir bien ? Telle est la caractéristique du jiva. Saint Tukaram avait pour habitude d’appeler toute personne un saint. Voyez-vous la sainteté en chaque être humain ?
Il n’y a qu’un être sur un millier qui profite de ce qui peut être entendu ici. Ce qui est vu comme une façon de se comporter ou un modèle, n’est pas le Soi. Le Soi ne peut être connu. Le corps est un instrument. Celui dont la puissance anime les sens est appelé Dieu. Il n’est pas le Soi suprême. (Dieu, Brahman, est le principe de manifestation ; Paramatman, le Soi suprême, est le non manifesté.) Le prana n’est pas non plus le Soi. Le prana porte toutes les actions. Le mental, l’intellect et la conscience sont des formes du prana. Celui qui, en suivant la parole du Guru, a réalisé le Soi, fait l’expérience d’une félicité totale au moment de la mort physique.
Gardez présent l’état où vous étiez avant de recevoir un quelconque apprentissage. Est-ce que quelqu’un porte attention à comment cette possibilité d’apprendre et d’enseigner est apparue ? Nous ne sommes pas ce que nous reconnaissons être, ou ce qui reçoit l’enseignement. Vous ne pouvez pas prendre l’Atman pour objet de contemplation. Ce qui nous est connu n’est pas notre vraie nature. Le Soi ne peut pas être pris pour contemplation. Ce qui ne peut être connu par les sens est vous. « Vous » ne pouvez pas être compris ou reconnu. Celui qui comprend n’est pas l’objet de la connaissance. La peur est due à l’ignorance qui fait prendre une corde pour un serpent. Il n’y a rien à faire. Restez dans la contemplation de ce que vous avez entendu. Mâchez-le avec détermination.
Nisargadatta Maharaj
Extrait de “méditations avec Sri Nisargadatta Maharaj” éd. Aluna