En spiritualité, vous devez faire appel à toutes les méthodes nécessaires. Quelle que soit la méthode utilisée, réalisez ce qui est le plus difficile à accomplir.
Les quatre Muni, dont Sanaka, terminèrent leur pénitence et allèrent voir leur père Brahmadeva pour lui poser une question: « Comment l’intérêt pour les objets des sens va-t-il disparaître de la conscience individuelle ? Comment y parvenir ? »
Comme Brahmadeva ne pouvait pas répondre, il demanda l’aide de Vishnu. Vishnu avait pourtant déclamé cette connaissance à Brahma et Il se demandait comment ce dernier ne pouvait pas donner une réponse appropriée à Ses fils. Voyant Brahma embarrassé, Vishnu apparut devant les Muni sous la forme d’un cygne. Sanaka demanda qui il était. Vishnu répondit: «Ta question est gênante, car que puis-Je te dire ? Qui suis-Je ? Ô brahmanes (Varta), sachez que Je suis seul et un avec toute l’existence. Comment puis-Je savoir exactement qui Je suis ? »
Afin d’être libre de l’intérêt pour les objets sensoriels, vous devez accéder à une connaissance complète de la conscience individuelle, des objets sensoriels et de leur Connaisseur. Sans le Connaisseur, il n’y a pas de conscience individuelle, donc pas d’objet des sens. Maintenant, qui est le Connaisseur? Qu’est-ce que la conscience individuelle ? La seule réponse est que c’est notre Conscience, grâce à laquelle nous savons que nous sommes. Elle est présente dans chaque être vivant. La subsistance du corps est due à cette Conscience. Le Témoin de cette conscience individuelle devient l’inspiration de la conscience individuelle. Nous devons renoncer aux différents concepts et à toutes les idées de réalisation des plaisirs. Cette connaissance du Soi avait été donnée à Brahmadeva. Il l’avait oubliée, alors qu’Il dirigeait l’existence mondaine en tant que brahmane. Atman est toujours entier et pur, indépendamment de la présence des objets sensoriels. Dans le passé, cette connaissance a été transmise à beaucoup, mais ceux qui la reçurent se sont empêtrés dans les pouvoirs spirituels qui résultent de cette connaissance. Par conséquent, il n’y a pas eu de réelle connaissance du Soi dans toute sa pureté. Bhagavan donne la connaissance pleine et entière à tous les égards, mais celui qui la reçoit la comprend selon sa capacité. Ce qui est au-delà de tous les sens et objets sensoriels est aussi au-delà du bien et du mal, qui ne concernent que la conscience individuelle. Le Soi est au-delà des objets sensoriels.
Purushottam est le témoin de la conscience individuelle, mais s’il s’identifie avec le corps, alors, même s’il fait pénitence, il n’a aucune possibilité de connaissance du Soi. Par la réalisation de Paramatman, en Sa présence, le nectar est bu. Cela signifie être dans un état de satisfaction intact, même dans des situations de grandes difficultés.
Tout être vivant doit endurer trois troubles principaux, qui sont: le besoin de nourriture pour se nourrir, le sommeil pour se reposer et la copulation pour la procréation. Tous les autres problèmes sont secondaires. Celui qui saupoudre le nectar sur ces problèmes les transforme en joie et en bonheur. Mais comment cela se produit-il? En devenant nous-mêmes Paramapurusha, témoin de la conscience individuelle.
Au lieu de cela, il y a identification à un corps, né dans telle ou telle famille. Le corps est apparu soudainement et il disparaîtra aussi soudainement. Cet ego est toujours douloureux.
La conscience individuelle s’intéresse toujours aux objets sensoriels. Bhagavan nous donne la méthode pour s’en libérer: «Quand vous mangez quelque chose, offrez-le-Moi d’abord. Cela ne veut pas dire que Je vais le manger. Mais vous saisirez que c’est Moi seulement qui mange la nourriture à travers vous et non vous. »
La principale chose que nous devons nous rappeler est que l’Atman est dans notre cœur. Nous ne pouvons pas nous en passer. NeLe considérez pas comme votre corps, vous devez seulement L’appeler Atman. Cela Lui plaira. Le corps est un vêtement pour Atman. Il peut s’agir du corps d’un poulet, d’un chat ou d’un chien, cela ne rend pas Atman impur pour autant. La Conscience est Dieu et Il n’aime pas être appelé en tant que corps. Votre Conscience contient le monde entier. Vous pouvez donner n’importe quel nom à Dieu dans votre cœur et L’adorer. Votre intellect deviendra aiguisé selon votre foi en Dieu et la pureté de votre cœur. Avant l’apparition de votre Conscience, Dieu n’est pas manifesté.
L’être ordinaire visite les temples et revient avec les bénédictions, un bien-être et la richesse de Dieu. Parmi ces visiteurs de Dieu, rare est celui qui n’est pas seul sur le chemin du retour, et qui porte en lui Dieu Lui-même. C’est une alliance rare du visiteur et du Visité.
Ce qui précède le monde de chitta (intellect, mental), c’est la nature de Dieu dans toute sa pureté, ce à quoi tout le monde a droit. C’est notre droit, parce qu’en rien différent de nous. Celui qui médite sur le Soi de cette façon jouit de la béatitude, qui est libre de tout intérêt pour les objets des sens. Le Dieu d’avant chitta est vraiment riche et libre de la faim (du manque). Tant que cela n’est pas atteint, il y aura recherche de nourriture.
« Je suis Cela » est ce qui est libéré de la faim.
Il existait un homme pauvre, dont la condition changea brusquement avec le temps. Il se retrouva parmi les millionnaires. Celui qui était petit devint grand. Ce changement en lui donna naissance à l’orgueil et à l’ego. De même, lorsqu’il y a identification avec le corps au lieu d’Atman, cela revient à tromper le Soi et à devenir déloyal envers Soi-même. En Samadhi ou dans le sommeil profond, il n’y a pas d’expérience de chitta, et le Témoin brille et s’élève dans le ciel de la manifestation tel un soleil. Quand ce Témoin est identifié au corps, c’est comme un éléphant attaché avec une chaîne. Abandonnez l’idée fausse de la mort et de la renaissance. Le Témoin de chitta est tout puissant et repose en Lui-même. Ayez une foi totale en Lui. L’avenir du jiva est à la hau- teur de son destin. Si vous vous reposez sur chitta et avez le sentiment d’être puissant, soyez assuré qu’il ne s’agit que de votre imagination.
Ce qui a connaissance de toutes les activités de chitta est votre vraie nature. Devez-vous payer quelque chose pour cela? Il est dit que Bhagavan s’incarne dans le corps humain, alors est-ce un fantôme qui s’est incarné dans votre corps? Celui qui médite honnêtement sur la Conscience sous la direction d’un Sadguru réalise Brahman. Suite à cela, il n’est plus affecté par ses activités mondaines. Alors, il est devenu Celui qui agit à travers toutes les actions. Bhagavan dit: «Brahmadeva n’est touché par aucune des fautes de ses actions, à condition qu’il ne soit que le témoin de celles-ci. »
Puis Sanaka demanda à Bhagavan: «Qu’est-ce que la connaissance en relation avec les objets des sens ? »
Celui-ci répondit : « Tout comme Je connais la mangue, celle-ci n’est pas Ma forme, de même Je connais Mon corps, mais ce n’est pas Ma forme. »
De la même manière, lorsque l’on utilise une pierre, elle n’est pas notre forme. Cette compréhension conduit à l’absence de passion mondaine. Nous sommes Celui qui connaît le corps, le mental, le réveil et le sommeil. Celui qui médite et se stabilise dans cet état distant n’est touché par les effets d’aucune action.
Bhagavan dit encore : « Voyez-moi dans votre Atman et chantez Mes bhajan- (s). Si vous Me considérez comme séparé de votre Atman, le bhajan amènera la dualité. Je n’ai pas d’existence en dehors de votre Atman. Vous apprenez à savoir que vous l’êtes à cause de votre Atman. Il n’y a pas d’autre Dieu que votre Atman. Par conséquent, Dieu n’a pas d’existence sans l’Atman. Votre vraie nature est identique à Moi. »
Dieu est dans votre corps, votre intellect ne peut l’accepter. C’est pourquoi Dieu doit faire semblant d’être différent de ce qu’Il est. Le corps que vous prétendez être le vôtre n’est pas authentique. Il n’a pas de soutien autre que le Soi.
Comment connaître notre Soi indépendamment des autres objets en nous? Nous, le Connaisseur, sommes avant le connu. Bien que cela semble la réalité, sans le Connaisseur, qui confirmerait l’existence des autres objets? Le Soi est dans le corps en tant que Conscience, qui ne peut être vue. Qui est le spectateur et celui qui savoure? Il est présent en chacun de nous. Il doit y avoir une absence de passion mondaine pour une bonne compréhension. Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer à ses activités quotidiennes ou à son emploi. Il ne s’agit pas de quitter ses enfants ou sa vie de famille. La vraie sérénité est d’abandonner l’identification au corps et de se connaître soi-même en tant que Connaisseur, indépendant du connu. La vraie sagesse naît quand il y a stabilisation dans cette compréhension. Quand Dieu est adoré et connu, son intelligence et sa valeur sont transférées au dévot. Par l’absence d’ego, la sérénité s’affirme. Avec la répétition ininterrompue du Mantra, il devrait y avoir aussi la conviction que notre vraie nature est Celle qui rend la répétition possible. Cette détermination spirituelle, alliée à une compréhension claire, facilite la réalisation du Soi, après avoir fait du jiva un grand dévot à l’intellect des plus aiguisé.
Nisargadatta Maharaj
14 novembre 1955
Extrait de ” Premiers discours” aux éditions des deux Océans